Plus des deux tiers des enfants libyens installés en Tunisie sont déscolarisés. Les enfants syriens sont exploités dans les réseaux de mendicité et dans la prostitution déguisée. La situation des enfants syriens et libyens, stabilisés en Tunisie, suscite l'inquiétude. Ces enfants qui ont quitté leur pays d'origine sont déjà passés par des épreuves extrêmes. Ils ont goûté à la peur de périr alors qu'ils viennent tout juste de s'éveiller à la vie. Réfugiés en Tunisie ainsi que leurs familles, ils se sont trouvés, du jour au lendemain, dans un environnement inhabituel, non familier. Ne comprenant pas le dialecte tunisien, la plupart d'entre eux sont délestés de leurs droits les plus élémentaires. Selon une enquête réalisée par Sigma Conseil, la population libyenne stabilisée en Tunisie est estimée à 260 mille personnes. Celle provenant de Syrie compte environ 700 personnes. «La population libyenne stabilisée en Tunisie est composée essentiellement de familles comptant en moyenne quatre à cinq enfants en âge de scolarisation. Or, seuls 2000 enfants libyens sont inscrits dans les quatre écoles relevant du consulat libyen. L'une d'entre elles accueille jusqu'à 900 élèves, ce qui dénote les conditions d'études lamentables. Par ailleurs, 500 enfants sont intégrés dans les écoles tunisiennes et quelques dizaines de chérubins libyens poursuivent les cours dans des écoles internationales. Ainsi, plus des deux tiers des enfants ne sont pas scolarisés et sont ainsi privés de leur droit à l'éducation », indique M. Moez Chérif, président de l'Association tunisienne pour la défense des droits de l'enfant à La Presse. S'agissant de l'intégration des enfants syriens dans les établissements scolaires, elle se trouve encore plus compliquée, car entravées par moult obstacles. Les chérubins syriens ne comprennent pas le dialecte tunisien. Ils ne parlent pas notre deuxième langue, à savoir le français et ont pris l'habitude de calculer en usant des chiffres indiens et non arabes. Absence de toute assistance pédo-psychologique M. Chérif tire la sonnette d'alarme et appelle les parties concernées à examiner la situation des enfants qui devraient être scolarisés afin d'être bien armés dans la vie. Il s'indigne de voir des enfants traumatisés, car fuyant des situations de conflits armés, dépourvus de toute assistance psychologique à même d'apaiser leurs tourmentes et de chasser de leur inconscient collectif, un tant soit peu, le spectre de la guerre. « D'autant plus que la famille libyenne a tendance à passer sous silence le besoin d'exposer le problème et d'établir une chaîne de communication entre adultes et enfants. Le dialogue entre les générations fait défaut, en Libye. C'est ce qui explique, d'ailleurs, que seuls cinq enfants libyens ont été interpellés dans le cadre de ladite enquête contre 50 enfants syriens», renchérit-il. Outre la privation du droit à l'éducation, les enfants réfugiés n'ont pas accès aux prestations sanitaires. Et, contrairement aux préjugés, la plupart des réfugiés libyens installés en Tunisie sont de conditions modestes, tout comme les réfugiés syriens, d'ailleurs. Leurs maigres budgets les empêchent d'accéder aux prestations de soins proposées par le secteur privé. Quoique, contrairement aux réfugiés libyens, les 700 réfugiés syriens stabilisés en Tunisie sont tous inscrits auprès du Haut commissariat des réfugiés ( HCR ), ce qui leur permet de bénéficier de diverses aides. « Encore faut-il souligner, ajoute-t-il, que les 700 réfugiés syriens recensés ne sont autres que ceux qui ont réussi à s'intégrer dans notre pays. Ils ont acquis de nouveaux repères et ont fini par s'acclimater. Lors de l'ouverture, en avril 2015, des frontières européennes en faveur des Syriens, quelque 1500 ont quitté la Tunisie en direction de l'Europe ». Des cours accélérés pour les réfugiés Notons que le HCR et l'Organisation internationale de la migration (OIM) ont mis à la disposition des réfugiés, tous âges confondus, des cours accélérés dans l'optique de faciliter leur intégration. Pour sa part, l'Office national de la famille et de la population (ONFP) assure des prestations sanitaires et d'orientation sur la santé sexuelle et reproductive en faveur des femmes et des enfants ; un atout de taille qui reste méconnu par la population des réfugiés installés en Tunisie. M. Chérif saisit l'occasion pour alerter les parties concernées quant à l'exploitation sexuelle et économique des enfants syriens. En effet, bon nombre d'enfants syriens sont exploités par leurs parents pour quémander. Quant aux filles mineures, elles sont souvent demandées en mariage illégal, ce qui est très fréquent en Syrie. Mais, une fois enceintes, elles sont mises à la porte et abandonnées à leur propre sort. Dépaysées, sans revenu, elles endossent ainsi le statut incommodant de mères célibataires...