Par Hmida BEN ROMDHANE On se rappelle comment en 2002 ce qu'on appelait le «Main Stream Media» aux Etats-Unis, c'est-à-dire le New York Times, le Washington Post et les trois principaux networks (ABC, CBS et NBC), avait pris fait et cause pour le programme de déstabilisation du monde arabe mis en œuvre par les Néocons. Tous ces médias très influents, outre atlantique, avaient mené une campagne enragée contre l'Irak de Saddam et ses armes de destruction massive qui n'existaient que dans l'imagination des Néocons et de leurs pantins, principalement George W. Bush et Tony Blair. Toute personne normalement constituée penserait, en toute logique, que les responsables du désastre irakien, le Main Stream Media, les Néocons et les décideurs à Washington auraient fait profil bas et se seraient fait plus discrets pour tout ce qui touche au Proche-Orient. Il se trouve que ces gens ont non seulement continué à mettre le Moyen-Orient à feu et à sang, mais ils sont allés beaucoup plus loin, jusqu'en Ukraine où leur politique agressive a déstabilisé gravement la vie de millions d'Ukrainiens. Il se trouve que ces gens, après avoir démonisé nombre de dirigeants arabes et iraniens et provoqué la perte de Saddam et Kadhafi, cherchent maintenant à avoir la peau du président russe, Vladimir Poutine, rien que parce qu'il a su défendre efficacement les intérêts de son pays et intervenir subtilement pour dérailler leur programme de destruction des Etats iranien et syrien. Les Néocons ne pardonnent pas à Poutine d'être intervenu discrètement dans le dossier nucléaire iranien, en convainquant les dirigeants à Téhéran de faire les concessions nécessaires en vue de conclure l'accord avec les 5+1 et rendre ainsi sans objet le leitmotiv des Néocons et de leur porte-voix qui, depuis des années, ne cessent de hurler hystériquement «bomb, bomb, bomb Iran». Alors que les Néocons se frottaient les mains, le 21 août 2013, après l'attaque au gaz sarin pas loin de Damas qu'ils avaient trop hâtivement attribuée à Bachar Al Assad, croyant trouver là le prétexte idéal pour l'intervention des bombardiers américains pour détruire, enfin, l'Etat syrien et ouvrir les portes de Damas aux coupeurs de tête daéchiens, alors qu'ils se frottaient les mains donc, Poutine intervint in extremis pour proposer l'arsenal chimique syrien contre l'abstention de Washington d'intervenir. Cet épisode important du conflit syrien a provoqué une profonde amertume des Néocons, ce qui avait aiguisé leur rancœur contre le président russe. Cette rancœur s'est aiguisée au point de les étouffer, quand Poutine a décidé d'intervenir carrément avec ses bombardiers pour aider les Syriens à nettoyer leur pays de l'hydre terroriste. N'oublions pas que les Néocons et leurs alliés à Washington avaient tout fait pour que les bombardiers de l'US Air Force, censés détruire les repères terroristes en Syrie, se contentent de larguer leurs bombes loin de leurs cibles. Autrement dit, «bombarder sans bombarder». C'est ce qui explique qu'après treize mois de «bombardements» américains, Daech, Annosra et Compagnie en sont sortis plutôt revigorés. Pourquoi ? C'est simple, les coupeurs de tête constituent pour les Néocons la force idéale capable de semer «l'anarchie créatrice» dans le monde arabo-musulman. Pour les Néocons, c'est une catastrophe que de voir la force qu'ils ont nourrie et ménagée soit la cible de vrais bombardements de l'aviation russe. D'où la mobilisation de leur porte-voix pour tenter de convaincre Obama de faire quelque chose. Voici un exemple concret du Main Stream Media au service des Néocons. Le 11 octobre, Obama était l'invité de la célèbre émission de CBS «60 minutes». Le journaliste Steve Kroft, au lieu de faire son travail professionnellement, n'a pu cacher sa vraie nature, celle d'un vulgaire porte-voix des Néocons en suppliant son invité à faire quelque chose contre Poutine : «Poutine est train de bombarder les gens que nous soutenons», gémit-il. «Il est en train de défier votre leadership M. le président. Il est en train de défier votre leadership... Les gens vont se dire que vous faites preuve de faiblesse». Il est vrai qu'Obama s'est engagé très maladroitement dans la campagne de démonisation de son homologue russe, en faisant état des «trois menaces principales qui se posent au monde» et qui sont, d'après lui, «Ebola, l'Etat islamique et la Russie». Mais sur le dossier syrien, si l'on en juge par les résultats plutôt positifs de la réunion de Vienne du vendredi 30 octobre dernier. Il semble que la position du président américain sur la Syrie est en train de s'éloigner de celle des Néocons et de se rapprocher de celle de la Russie. Obama semble gagné à l'idée d'un règlement politique urgent de la guerre infernale syrienne, et semble même abandonner son exigence d'exclure Bachar Al Assad de tout processus politique qui s'enclencherait en Syrie. Evidemment cela n'est pas pour plaire aux Néocons et à leurs alliés qui tenteront par tous les moyens de saboter la nouvelle orientation de la diplomatie américaine sur le dossier syrien. Cela fait sept ans qu'Obama est au pouvoir. A part l'accord sur le nucléaire iranien, on ne voit vraiment pas de réalisations que l'histoire retiendra dans l'actif du premier président Noir des Etats-Unis. Il lui reste une année encore avant de quitter définitivement la Maison-Blanche. S'il maintient cette coopération balbutiante avec la Russie et aide au rétablissement de la paix en Syrie, il aura à son actif une autre grande réalisation et, surtout, il justifiera, même avec quelques années de retard, le prix Nobel de la paix que le comité d'Oslo lui avait attribué un peu trop hâtivement en 2009.