C'est le témoignage déchirant d'une mère tunisienne dont les deux filles ont été enrôlées dans les rangs des jihadistes. Une mère qui a tout fait pour les dissuader de partir, en allant elle-même les dénoncer auprès des forces de l'ordre en fournissant des informations cruciales, sans résultat pour autant. A travers ce témoignage à Mosaïque Fm, Olfa Hamrouni, la mère de Rahma et Ghofrane Ben Sifi Chikhaoui, âgées respectivement de 16 et 17 ans, a voulu exprimer sa détresse et sa solitude, face une justice tunisienne qu'elle trouve laxiste : «Je veux savoir qui a relâché ma fille et pourquoi on me harcèle aujourd'hui, qu'elle n'est plus ici, alors que je l'ai dénoncé !».
Olfa Hamrouni raconte qu'après son divorce en 2011, ses filles se sont transformées en satanistes, chose qui n'a pas duré. Un jour ses filles sont devenues pieuses et ont décidé de mettre le voile intégral, après un petit détour par une tente de prédication. Obligée de partir en Libye pour travailler, la mère a été choquée d'apprendre le 17 novembre 2014 que sa fille ainée avait rejoint les jihadistes en Syrie. Elle décide de rentrer au plus vite avec Rahma, pour qu'elle ne suive pas le chemin de sa sœur : elle ira même la dénoncer pour qu'elle soit empêchée de partir par les forces de l'ordre.
En effet, sa fille Rahma ne cache ni son allégeance à l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech) et au calife Abou Bakr Al Baghdadi, ni son intention de faire une opération terroriste en Tunisie, ni sa haine contre les forces de l'ordre, le « taghout », témoigne la mère. Elle a été convoquée plusieurs fois par le district de police et même par la brigade antiterroriste d'El Gorjani. Mais elle est à chaque fois relâchée, se lamente sa mère en exprimant son incompréhension face à la liberté de mouvement des imams, notamment ceux des mosquées Al Hidaya, Al Karia et Al Korniche, qui ont endoctriné sa fille et qui n'ont pas été inquiétés.
La mère leur a même fourni des informations sur la personne qui va faire sortir illicitement sa fille du pays, l'oncle d'une amie de sa fille, Faten Mansouri (recherchée). Mais sans que rien ne change, puisque Rahma parvient à quitter le pays vers la Libye en juin 2015, où elle a suivi un entrainement militaire dans un camp à Syrte. D'ailleurs, l'amie de sa fille, Faten Mansouri, la rejoindra plus tard.
Pire, son beau fils, le mari de Ghofrane, Abdelmonêm Ben Zaki Amami, également recherché, est impliqué dans l'enrôlement des jeunes tunisiens en Syrie et Libye et les aident à sortir du pays avec la complicité de sa femme. «Ils (la justice) disent que ma fille est petite pour être arrêtée, mais eux (les terroristes) ont besoin de jeunes qui sont faciles à endoctriner. Ils leur font un lavage de cerveau en leur promettant le paradis avant de se lancer dans la gueule du loup. Les vieilles comme moi, qui ont toute leur tête, ne vont pas laisser leurs enfants aller se faire exploser !», s'insurge-t-elle.
Bien que Olfa Hamrouni écarte la possibilité que sa fille Ghofrane ait l'intention de faire un attentat en Tunisie, étant enceinte et sur le point d'accoucher, elle n'écarte pas la possibilité que sa fille se fasse exploser dans un commissariat de police à tout moment : «Elle m'a appelé une fois en pleurs, elle qui est d'habitude si forte ! Elle m'a demandé de lui passer ses frères et sœurs pour leur dire au revoir, ce que j'ai refusé de faire et je suis allée tout de suite après prévenir les forces de l'ordre», raconte-t-elle. Et d'ajouter : «La dernière fois qu'elle m'a appelé, elle m'a dit qu'elle savait que nous étions sur écoute la précédente fois que je l'ai appelé et qu'elle s'en foutait. Elle affirmait que l'invasion est proche, que les frères vont venir et que la victoire est proche !».