A première vue, l'idée semble farfelue. En effet, peut-on concevoir l'existence d'un hôpital privé en Tunisie ? La première réaction qu'a eue plus d'un à cette question est la suivante : « ça ne marchera pas ». En effet, comment imaginer des médecins spécialistes, plus particulièrement, les chirurgiens, devenir des salariés permanents dans une entité privée ? Eux qui se plaignent, voire désertent les hôpitaux publics, pour exercer dans les cabinets privés et effectuer des actes (à prix élevé) dans les cliniques qui pullulent. Mais il semble qu'à la lumière d'un nouveau décret, la donne du paysage tunisien de la santé va bientôt changer avec la naissance d'un nouveau genre d'établissements de santé : les hôpitaux privés qui ne sont comparables ni aux hôpitaux publics ni aux cliniques privées Il faut dire que l'idée du projet existait depuis un bon bout de temps et des démarches étaient déjà en cours pour en rendre la mise à exécution légale. Et pour rendre à César ce qui lui appartient, Mondher Zenaïdi, ministre de la Santé publique, a tout fait pour faciliter la tâche à cette nouvelle forme d'établissements de santé et accélérer le processus administratif, réputé pour sa lenteur bureaucratique. Résultat : en l'espace de quelques mois, les textes de lois ont été modifiés dans le sens de légaliser cette démarche qu'est la faisabilité de création d'un hôpital privé. Maintenant, c'est fait avec la publication au Journal officiel de la République Tunisienne (JORT) en date du 20 avril 2010, d'un ajout au Code d'incitation aux investissements promulgué par la loi n° 93-120 du 27 décembre 1993, stipulant ce qui suit : « Article premier - Est ajoutée au point 6 « La santé » du paragraphe III « Les services » prévu par la liste des activités relevant des secteurs, annexée au décret n° 94-492 du 28 février 1994 susvisé, l'activité suivante : - Sociétés de gestion des établissements sanitaires. » Grâce à ce nouveau pas légalisant la « chose », les promoteurs d'un premier projet de création d'un hôpital privé sont passés à la vitesse supérieure pour mettre les dernières touches d'ordre pratique en vue de concrétiser ce « rêve ». Tout a été mis en place : le terrain, les plans architecturaux, les compétences humaines, les modes de fonctionnement et, bien évidemment, les investissements qui sont, à la fois, nationaux et étranger. L'un des promoteurs du projet a expliqué en exclusivité à Business News la philosophie de la démarche et les grands axes de fonctionnement d'un hôpital privé avec ses implications fort positives sur le malade et sur le secteur de la santé en général. Il est primordial de se mettre à l'idée que l'hôpital privé n'est pas comparable à une clinique privée. Si cette dernière loue ses locaux et ses équipements (chambres d'hospitalisation, blocs opératoires et autres matériels d'investigation médicale, etc.), l'hôpital privé fonctionne, comme son nom l'indique, selon les mêmes principes d'un hôpital, à savoir un personnel salarié, mais selon les règles de l'offre et de la demande, tout en fournissant des prestations de haute qualité et en regroupant les activités médicales en vastes pôles qui seront de véritables lieux d'intégration de la logique médicale et celle budgétaire. Le regroupement des services généraux, la meilleure organisation et la concentration des plateaux techniques devraient entraîner une économie de gestion non négligeable. Le principe de l'exercice libéral du praticien reste, toutefois, la règle. Les praticiens sont tous salariés, mais demeurent libres de leurs prescriptions et du choix des thérapeutiques mises en uvre. Ainsi, la relation praticien-hôpital exclut toute subordination et respecte l'indépendance professionnelle des médecins et induit, de fait, les libertés de chaque partie. Exactement comme dans un hôpital public. Pour les patients qui sont soignés dans ce genre d'hôpitaux, il est important de mentionner qu'ils seront couverts par le régime de l'assurance sociale de la CNAM, selon les cas de remboursement ou de prise en charge. Autrement dit, l'hôpital privé pratiquera les prix en vigueur dans le privé aussi bien pour les consultations que pour les actes. Il est cependant bon de signaler que de tels projets soulèvent le scepticisme de plusieurs professionnels de la santé. Selon eux, un hôpital privé ne peut pas réussir en Tunisie, car les médecins (notamment les spécialistes) refusent d'être salariés et le principe même de travailler pour le compte d'autrui. Les auteurs du projet sont pourtant sûrs d'eux. Ils ont la foi et la flamme pour mener ce nouveau concept à terme et, surtout, en faire un véritable succès. Pour ce, ils n'ont ménagé aucun effort pour réunir tous les atouts humains, matériels, financiers, organisationnels et de bonne gestion pour que toutes les parties prenantes et intervenantes trouvent leur compte, à commencer par les patients et les praticiens ainsi que ceux qui y ont cru en investissant leur argent. Ainsi, les médecins spécialistes qui seront recrutés devraient obtenir des revenus supérieurs à ce qu'ils recevaient par le passé en cumul en exerçant à la fois dans un hôpital public et des actes dans des cliniques privées. Ce projet ambitieux et novateur est en cours de finalisation. Le démarrage effectif du chantier dans les meilleurs délais. Un projet qui, nous en sommes persuadés, contribuera à introduire une nouvelle dynamique positive sur le paysage médico-sanitaire en Tunisie.