Un véritable séisme a été enregistré jeudi dernier, à la veille du long congé de l'Aïd, dans le monde financier. L'Emirat de Dubai a annoncé son incapacité d'honorer à temps une partie de sa dette. L'émirat, touché de plein fouet par la crise financière après des années de boom, avait annoncé en ce jeudi (noir ?) son intention de demander aux créanciers de son conglomérat Dubai World, le plus large et le plus endetté, de surseoir de six mois au paiement de la dette arrivée à maturité. La dette totale de Dubaï était estimée à 80 milliards de dollars en 2008, dont 70 milliards de dollars à la charge des compagnies publiques. Dubai World accapare, à lui seul, 59 milliards de dollars de ce montant. Un montant colossal, comparé aux 18 milliards de dinars (14 milliards de dollars) que prévoit l'Etat tunisien pour son budget 2010. Quel est donc l'impact de la crise violente que vit actuellement Dubai sur l'économie tunisienne ? L'Emirat possède plusieurs projets et a annoncé beaucoup d'investissements dans notre pays, ces dernières années. Parmi les conglomérats émiratis pesant des dizaines de milliards de dollars, on enregistre les noms de Bukhatir Group, Dubai Holding et Dubai Group. Le premier groupe, Bukhatir, semble bien avancer dans son projet de construction d'un mégaprojet sportif et urbain sur les Berges du Lac de Tunis. Ce projet, au nom de Tunis Sports City, prévoit cinq milliards de dollars d'investissements, dont 90% provenant de l'étranger. Le démarrage des travaux de réalisation de la première phase de Tunis Sports City, baptisée «Cedar» sont entamées. Se dressant sur une superficie globale de 257 hectares, le projet sera réalisé en trois étapes devant s'achever dans les cinq ans. L'ouverture de son bureau de vente, sis aux Berges du Lac de Tunis a eu lieu en juillet dernier et en grandes pompes. Le deuxième investisseur émirati d'envergure, Dubai Holding, a annoncé au moins deux gros projets en Tunisie, via ses deux filiales, Tecom et Sama Dubai. Le premier de ces projets a été l'investissement, via sa filiale Tecom, de trois milliards de dinars dans l'acquisition des 35% de Tunisie Telecom. L'acquisition s'est bien déroulée et, si l'on se tient aux sources officielles, cet investissement ne pose aucun problème pour les Emiratis. Des rumeurs, ni confirmées, ni démenties, prétendent cependant que Tecom chercherait à céder sa participation et n'aurait pas trouvé repreneur proposant un bon prix pour les 35% de Tunisie Telecom. Le deuxième méga-projet de Dubai Holding en Tunisie est promu par Sama Dubai, sa filiale d'investissement et de développement immobilier. En septembre 2008, Sama Dubai a dévoilé officiellement son méga projet immobilier et touristique, portant le nom de Porte de la Méditerranée. Ce projet prévoit un investissement de 25 milliards de dollars divisés en 14 étapes devant durer, pour l'ensemble des travaux, 25 ans. (cliquer ici pour lire notre article à ce sujet) Un mois plus tard, octobre 2008, Sama Dubai ouvre son Centre de marketing et ventes pour commercialiser les différentes composantes du projet « Porte de la Méditerranée » (cliqurer ici pour lire notre article à ce sujet). Il était alors question que le démarrage des travaux du premier lot ait lieu avant la fin de l'année 2008. La Tunisie a adopté les lois nécessaires visant à faciliter cet investissement, mais le démarrage des travaux a été, maintes fois, reporté sans qu'aucun communiqué officiel ne vienne indiquer les raisons et la date effective de ce démarrage. Il est vrai que le monde a été frappé, entre temps, par une violente crise financière. Le projet de Sama Dubai enregistre donc un an de retard et on ne sait toujours pas quand il va démarrer et si l'on va maintenir les 14 lots prévus initialement. Le troisième méga projet annoncé par les Emiratis en Tunisie est celui de la société Emaar. Cette société fait partie de la holding Dubai World et c'est ce conglomérat qui a cherché jeudi dernier à surseoir de six mois au paiement de sa dette. Avec sa dette de 59 milliards de dollars, on doute fort que sa filiale Emaar puisse concrétiser, à moyen terme, ses projets, aussi bien en Tunisie qu'ailleurs. En avril 2006, la société Emaar a annoncé un investissement de 1,8 milliard de dollars (2,5 milliards de dinars) pour le projet Marina el Qoussour de Hergla. En Algérie, le groupe compte pas moins de cinq projets touristiques et immobiliers qui devraient transformer la capitale Alger et ce pour un coût total estimé à 20 milliards de dollars. Au Maroc, il a une série de projets estimés à 5 milliards de dollars. Où en est-on aujourd'hui ? Tout est gelé depuis deux ans ! Il paraît certain qu'Emaar abandonne son projet tunisien, bien que rien d'officiel ne vienne encore confirmer cette probabilité. Sa maison-mère, en tout cas, est dans de mauvais draps. Le conglomérat, qui contrôle le géant immobilier Nakheel (dont on connaît ses célèbres îlots en forme de palmier et de planisphère), traîne une dette de 59 milliards qui risque d'ébranler tout l'économie de Dubai. Il ne faut cependant pas se tromper, l'Etat de Dubai n'est pas en faillite, il a seulement quelques difficultés à cause de celles enregistrées par quelques unes de ses plus grandes entreprises. Quand bien même il serait en sérieuses difficultés, l'Etat fédéral des Emirats Arabes Unis viendrait à son secours au cas échéant. Comme l'a fait remarquer un économiste, ce n'est certainement pas un palmier qui va menacer l'économie mondiale. De même, ce ne sont pas les investissements émiratis (et encore moins Emaar) qui vont menacer l'économie tunisienne qui dépend (heureusement) de plusieurs secteurs d'activité (industrie, tourisme, agriculture et services) et de la matière grise des Tunisiens. Nizar Bahloul