Les sociétés communautaires, l'une des pierres angulaires du projet présidentiel. Kais Saïed y tient et estime que la mise en place de ces entreprises éradiquerait le chômage et relancerait l'économie nationale. Dans un pays où le tissu économique « classique » est en pleine crise, le régime met les moyens pour propulser et avantager les sociétés communautaires. Pour le président de la République, les sociétés communautaires sont la solution miracle pour créer de la croissance et procurer des emplois aux jeunes. L'Etat pèse donc de tout son poids pour faciliter les procédures aux personnes souhaitant se lancer, avec une batterie d'encouragements et d'incitations. Mardi 10 septembre, la nouvelle secrétaire d'Etat chargée des entreprises communautaires Hasna Jiballah a annoncé que le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle mettra, bientôt, des subventions mensuelles à disposition des citoyens dans le but de stimuler et accélérer la création des entreprises communautaires. Une annonce qui n'a pas manqué de faire réagir, d'aucuns se demandant comment l'Etat budgétiserait ces subventions alors que les finances publiques sont en berne, d'autres dénonçant une dilapidation de l'argent du contribuable dans des projets voués à l'échec.
Le décret relatif aux entreprises communautaires a été publié en mars 2022. Le président avait présenté ce projet comme une locomotive à la croissance économique et au développement régional. Plus de deux ans après rien de cela ne s'est concrétisé et le chef de l'Etat continue à lancer des appels pour appuyer les potentiels promoteurs, tout en invoquant des blocages sciemment orchestrés au sein même de l'administration. Les promoteurs sérieux ne se bousculent forcément pas pour se lancer dans l'aventure. La philosophie et le fonctionnement de ces structures demeurent flous pour les masses. En réalité, dans ces sociétés communautaires, qui doivent être constituées par au moins cinquante personnes, il est demandé aux promoteurs du projet d'être égaux en termes de contribution et on interdit aux actionnaires de posséder plus d'une action dans le capital. Forcément, l'aspect du gain et de retour sur investissement est supprimé. Par ailleurs, le décret présidentiel exige que chaque actionnaire ait une seule voix au conseil d'administration lors des prises de décision, quelle que soit la valeur de son apport au capital. Un management d'un autre genre difficilement assimilé.
C'est ainsi que le président de la République ne cesse de revenir à la charge pour mettre à contribution toutes les structures de l'Etat et même les banques privées, afin de faire réussir son projet. La veille de l'annonce des subventions mensuelles, il avait convoqué le ministre des Domaines de l'Etat, pour insister sur la nécessité de réviser le régime juridique de la location des biens de l'Etat et d'instituer le principe de priorité pour les opérations de location en faveur des porteurs des projets visant à créer des sociétés communautaires. Pour lui ces structures vont générer de la richesse et profiter, « non seulement à leurs créateurs, mais aussi à la nation tout entière ». Rien que ça ! Il n'a eu de cesse de mettre la pression sur les responsables leur intimant de s'engager dans « la guerre de libération », qui inclus la fin de la domination des lobbies agissant dans l'ombre pour notamment créer des obstacles face aux jeunes qui veulent lancer ces entreprises. Plusieurs mesures ont été mises en place. Fin juin 2024, un conseil des ministres a proposé un ensemble de dispositions visant à renforcer les sources de financement et à soutenir l'accompagnement de ces structures. Un montant de 20 millions de dinars avait déjà été alloué dans le cadre de la loi de finances 2023, renforcé par une autre dotation de la même somme dans la loi de finances 2024. Le gouvernement avait aussi permis l'exploitation des terres domaniales et la création d'une commission intersectorielle, présidée par le ministère de l'Economie et de la Planification en collaboration avec le ministère de l'Intérieur et le secrétariat d'Etat chargé des sociétés communautaires pour encadrer ces entreprises aux niveaux local et régional, avant et après leur création. Par ailleurs, le plafond de financement de ce genre de société est passé de 300.000 dinars à un million de dinars avec un espace qui leur est dédié au siège de la Banque tunisienne de solidarité (BTS).
Le régime met les bouchées doubles pour que les entreprises communautaires, élevées au rang de projet national, décollent. L'objectif en 2024 était de créer cent entreprises. Kais Saïed avait annoncé début juin que les sociétés mises en place étaient au nombre de 64, dont 50 locales et 14 régionales. Entre temps, c'est l'hécatombe du côté des PME, véritables piliers de l'économie nationale.