On avait cru à un remake de Nabil Karoui en 2019. On n'en est pas très loin. Libéré hier jeudi 5 septembre, tard dans la soirée, Ayachi Zammel a été arrêté moins de deux heures plus tard. Une libération et une deuxième arrestation plutôt surprenantes pour l'un des deux derniers candidats encore en lice pour faire face à l'actuel locataire de Carthage, candidat à sa propre succession. Rappelez-vous, en 2019, Nabil Karoui, candidat jugé un peu trop sérieux, a été jeté en prison à quelques jours du début de la campagne présidentielle et libéré quatre jours à peine avant le second tour. Il n'aura pas pu faire campagne. D'aucuns ont pensé que ce scénario se répéterait en 2024 avec un Ayachi Zammel devenu soudainement un peu trop proche de l'élection. Libéré en fin de soirée du jeudi 5 septembre, contre toute attente, Ayachi Zammel a été de nouveau arrêté et « conduit à une destination inconnue » selon son avocat Abdessatar Messaoudi. A peine sorti de la prison de Borj Amri, Ayachi Zammel a de nouveau été arrêté après minuit. Selon des sources proches du dossier, il a été conduit à Oued Meliz au gouvernorat de Jendouba. Moins de deux heures plus tôt, le même avocat annonçait la libération de son client et saluait la décision du tribunal qui « a pu constater la faiblesse des accusations montées de toutes pièces ».
Arrêté une première fois le 2 septembre, Ayachi Zammel fait actuellement face à 25 affaires liées à des falsifications de parrainages. Lors d'une conférence de presse tenue le 3 septembre, son comité de défense avait déclaré que les électeurs qui ont dit être concernés avaient « tous, sans exception, déclaré avoir eu l'intention de donner leurs parrainages au président-candidat Kaïs Saïed ». Un membre de son équipe de campagne avait été également placé en garde à vue le 2 septembre. Il a, lui aussi, été libéré hier soir. Une membre de son équipe de campagne et trésorière de son parti avait même été placée en détention puis relâchée.
Depuis la conférence de presse de l'Isie le déclarant candidat à la présidentielle du 6 octobre, Ayachi Zammel fait face à de multiples poursuites et a été interrogé à plusieurs reprises. La pression autour de lui est d'autant plus forte que les trois autres candidatures rejetées par l'Isie puis validées par le tribunal administratif ont, finalement, été officiellement écartées par l'instance électorale. Ainsi, face à Kaïs Saïed seuls deux candidats restent encore en course…du moins en théorie. Il s'agit de Ayachi Zammel et de Zouhair Maghzaoui. Réagissant à sa libération, son bureau de campagne a tout de même dénoncé un acharnement contre le candidat à la présidentielle. Dans un communiqué publié hier soir, le bureau de Ayachi Zammel a affirmé que ce qui arrive au candidat entre dans le cadre de la « persécution et de la répression dans le but de le pousser à interrompre sa campagne », ajoutant qu'il s'agit d'une « violation des principes de la démocratie et de la République, mais aussi de l'impartialité et de la concurrence loyale entre les candidats et d'une privation des Tunisiens de leur droit de choisir ». Sa nouvelle arrestation ne sera qu'un argument de plus à ces affirmations. Le feuilleton de la présidentielle prend ainsi une nouvelle tournure avec cette libération-arrestation express. L'Isie ayant déjà barré la route à plusieurs candidats que la justice administrative avait pourtant remis en selle, il se pourrait que Ayachi Zammel soit, lui aussi, finalement recalé avant d'avoir candidaté.
Régissant au bras de fer Isie-justice administrative, l'Ordre des avocats, présidé par Hatem Mziou, est enfin sorti de son silence. Plusieurs jours après le scandale qui a entouré le refus de l'Isie de s'en tenir aux décisions du tribunal administratif, l'Ordre des avocats a décidé de condamner. Dans un communiqué publié hier soir, l'Ordre a dénoncé « les conséquences des tergiversations et de la controverse entre l'Isie et le tribunal administratif, qui est de nature à entacher le prestige des institutions de l'Etat et d'éroder la confiance du citoyen ». L'Ordre a, également, « mis en garde contre le danger, au niveau social, de ces différends et de la guerre des déclarations dans les médias, qui pourraient fragiliser le pouvoir de la justice comme outil de résolution des conflits ». Un communiqué tardif qui, s'il défend les avocats et dénonce les harcèlements qu'ils subissent – en citant le cas de Sonia Dahmani – est jugé timide et insuffisant selon certains. L'ancien élu et ex-dirigeant d'Attayar, Hichem Ajbouni, a écrit sur sa page Facebook : « la montagne a accouché d'une souris ». Il soutient que le communiqué de l'Ordre, présidé par Hatem Mziou, est une « véritable mascarade et une honte au métier d'avocat ». « Un coup d'Etat en bonne et due forme contre les décisions du tribunal administratif, les institutions, la volonté des électeurs et les fondements de la République, et l'Ordre qui appelle à ''se faire la bise'' et à une réconciliation ! ». Pour lui, ledit communiqué n'est qu'une tentative « d'absorber la colère d'une grande partie des avocats et de l'opinion publique face à des positions honteuses de l'un des piliers de la défense des libertés, des droits et de l'Etat de droit ».
Prévue dans un mois jour pour jour, la présidentielle du 6 octobre, s'annonce encore plus tumultueuse que prévu. « Ce n'est plus un scrutin, mais un véritable film d'action », a commenté avec ironie l'avocate Dalila Msaddek, sœur du détenu politique Jawhar Ben Mbarek. Pour Ayachi Zammel qui traîne en tout 25 affaires liées à des parrainages falsifiés, et autant de raisons de l'arrêter, le film ne fait que commencer…