La crise fourragère persiste depuis des mois en Tunisie. La flambée des prix à l'international notamment en raison de la guerre en Ukraine, qui a déstabilisé les marchés, n'a fait qu'empirer la situation. Par ailleurs, il est établi que le marché des importations est monopolisé en grand partie par une poignée de personnes. Les éleveurs en pâtissent, la production aussi et forcément l'impact sur le pouvoir d'achat des consommateurs est considérable. Le président de la République, Kaïs Saïed a convoqué, dans la soirée de mercredi 11 octobre, son ministre de l'Agriculture Abdelmonêm Belati. Entre autres sujets, le Président a abordé « la nécessité de mettre fin au monopole dans l'importation des fourrages par un nombre limité de personnes ». Kaïs Saïed, mécontent, est dans son élément puisqu'il a fait de la lutte contre le monopole l'un de ses chevaux de bataille. Le chef de l'Etat en parle pratiquement dans tous ses discours et concernant tous les secteurs. C'est devenu sa marque de fabrique. Ainsi, lors de sa rencontre avec le ministre de l'Agriculture, Kaïs Saïed a, à peine voilé ses menaces : « Soit ils importent les fourrages dans la transparence absolue, sans les pratiques monopolistiques et spéculatives, soit l'Etat imposera son monopole sur l'importation ». La messe est dite. Le président de la République ne compte pas laisser faire et brandit ses menaces à l'encontre de la poignée de professionnels du secteur : ou ils se conforment à son ultimatum, ou ils se retrouvent sans gagne-pain. Kaïs Saïed a tenu à rappeler, dans son communiqué, que les petits agriculteurs souffrent, particulièrement, de la flambée des prix des fourrages et ce à cause de ce « monopole qui ne dit pas son nom ». Il affirmera aussi qu'en raison de ce monopole, la Tunisie perd tous les jours un grand nombre de têtes de bétail. Il est vrai que les éleveurs connaissent de grandes difficultés depuis un bon moment. Ils n'ont eu de cesse d'appeler les autorités à prendre des mesures urgentes face à la crise fourragère afin de leur garantir leurs besoins en fourrage. Depuis au moins début 2022, de graves pénuries successives touchent les matières fourragères, en plus de la hausse exorbitante des prix. D'ailleurs, plusieurs éleveurs ont été acculés à céder leur cheptel et à mettre la clef sous la porte. Conséquence logique à cette crise, un déséquilibre dans la production laitière et des viandes. Le producteur peine à sortir la tête de sous l'eau et le consommateur vit au rythme des pénuries successives et de l'augmentation des prix. Cette situation ne date pas d'aujourd'hui. Elle persiste et s'aggrave sans que des solutions réelles ne soient trouvées. Le hic c'est que le président de la République l'a évoquée à maintes reprises et que rien n'a été fait depuis le temps. Pourtant, Kaïs Saïed a toutes les cartes en main et aurait pu, avec un trait de plume, prendre des mesures concrètes. Il s'est contenté de dénoncer, puis de menacer sans autre résultat. Par ailleurs, la seule alternative qui lui vient à l'esprit est d'établir un monopole de l'Etat sur les importations des fourrages. On connaît tous la situation des finances publiques. Les caisses de l'Etat sont vides et cet Etat peine à payer ses fournisseurs. Différents produits qui sont sous monopole étatique connaissent des pénuries : farine, sucre, café, etc. La liste est longue. Contre le monopole, ne serait-il pas plus judicieux de libérer les marchés et ainsi de les ouvrir à la concurrence ? Cela soulagerait les caisses de l'Etat et permettrait de réguler les marchés et surtout de résorber une crise parmi tant d'autres. Les solutions sont à portée de main, il manque juste la compétence nécessaire pour les identifier et les appliquer.