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Faute de moutons, ils mangent du foin !
Publié dans Business News le 13 - 02 - 2023

Kamel Letaïef, Khayam Turki, Abdelhamid Jlassi, Béchir Akremi, Taïeb Rached, Moncef Ben Attia. Quel est le lien entre ces personnalités ? Aucun en apparence, si ce n'est qu'elles ont toutes été arrêtées ce week-end, ce qui a occupé toute la scène médiatique et rempli des centaines de publications sur les réseaux sociaux tunisiens.
Si les médias tunisiens mainstream ont brillé par une certaine hauteur dans le traitement de l'information, il n'en est pas de même pour la majorité des publications facebookiennes qui ont fortement applaudi les arrestations. Kaïs Saïed a vu juste, c'est clair, son public apprécie ce qu'il fait et le soutient fortement.
Selon le décalogue apocryphe de Noam Chomsky, les principales stratégies de la manipulation de masse commencent par le divertissement. L'objectif de cette manipulation est, pour les gouvernants, de s'assurer que les gouvernés ne comprennent pas qu'ils sont réellement au pouvoir. Je vous invite à lire ces dix stratégies, elles sont utiles pour décrypter ce qui se passe en Tunisie, sous le régime de Kaïs Saïed.

Plus terre à terre, je vais parcourir avec vous les principales actualités de la dernière quinzaine, depuis les élections, sous deux angles différents. Le premier sous l'angle du citoyen et journaliste tunisien que je suis, le second sous l'angle du président Kaïs Saïed, à travers ses activités. Le traitement de l'actualité sous ces deux angles fera apparaître le malaise sociétal que nous vivons actuellement.
Le 29 janvier 2023 a eu lieu le second tour des législatives avec un taux de participation de 11,3%. Au premier tour, le taux de participation a été de 11,22%. Précédemment, au référendum sur la nouvelle constitution, le taux a été de 30,5%. C'est une évidence, le peuple tunisien dans sa majorité désapprouve le projet de son président. C'est un désaveu qui appelle une réaction conséquente du président. Quelle a été cette réaction ? Le déni. Que conclure ? Que l'abstention massive a été inaudible et que le président agit comme si de rien n'était.
Autres préoccupations du citoyen tunisien que je suis, faire face aux pénuries et à l'inflation. Si la pénurie de lait et de sucre me dérange, celle des médicaments m'inquiète au plus haut point. J'ai, comme une majorité de mes concitoyens des fins de mois difficiles. Mais vu que je suis également chef d'entreprise, la situation est pire puisque je dois assurer des revenus pour ma famille, mais aussi pour celles de mon personnel. Quelle a été la réaction du président par rapport à tous ces problèmes quotidiens des Tunisiens ? Concrètement, aucune. Il s'est suffi d'accuser des complotistes de tous bords qui affament le peuple tunisien à dessein. A-t-il arrêté ces complotistes et ces spéculateurs qu'il évoque à chacune de ses sorties ? Non. A-t-il trouvé une solution à ces problèmes des Tunisiens ? Non, il s'est suffi de ses verbiages habituels.
Il y a eu, aussi, durant cette quinzaine, l'humiliation subie par des touristes tunisiens partis en Algérie. Dans la nuit du jeudi et la journée du vendredi, ils ont subi des exactions de la part des forces de l'ordre algériennes à la suite d'un incident diplomatique avec la Tunisie. Quelle a été la réponse des autorités tunisiennes ? Aucune, à ce que l'on sache.
Dernière source d'inquiétude de la quinzaine, pour le Tunisien que je suis, les arrestations de concitoyens qui font de la politique, sans ordre du parquet et sans présence de leurs avocats.
Pour résumer la quinzaine, telle que je la vois en tant que citoyen, je subis une inflation galopante, j'ai du mal à trouver des produits importants, voire de première nécessité, le président que je paie avec mes impôts ne m'écoute pas, mon pays ne me protège pas quand je suis à l'étranger et je ne fais plus confiance au système judiciaire, puisqu'il ne peut plus me protéger devant les abus policiers. Et je ne parle même pas de ce qui a précédé la période, comme la dégradation de la note souvraine tunisienne par Moody's avec perspectives négatives. Dégradation superbement zappée par Carthage.

Regardons la quinzaine du côté du président de la République. Dans tous les pays du monde, il y a systématiquement un discours ou une allocution présidentielle au lendemain des élections. Les gouvernants (même s'ils sont dictateurs) expliquent aux gouvernés (même s'ils sont des poussières d'individus) les leçons tirées des suffrages et leur donnent le programme de l'étape suivante.
Les élections ont eu lieu le 29, le président a procédé au changement de deux ministres le 30 janvier. Quel est le lien de ce remaniement avec les élections ? On n'en voit pas !
Ce même 30 janvier, il se déplace à la Kasbah pour rencontrer sa cheffe du gouvernement et lui dire, au détour d'une phrase, que les Tunisiens ont boycotté les élections, parce qu'ils ne font plus confiance à leur parlement.
Le 31 janvier, il se déplace inopinément à la caserne d'El Aouina d'où il déclare la guerre aux syndicats. Une heure après, on procède à l'arrestation d'un syndicaliste gréviste.
48 heures après les élections, on ne parle plus de celles-ci, mais de la guerre présidence-UGTT.
Le 2 février, il se déplace à un hôpital pour voir une jeune greffée du foie et son donneur. Cette violation de la vie privée et de la déontologie médicale occupera la scène médiatique un temps.
Le 3 février, il inaugure une autoroute dont les travaux ne sont pas encore achevés. Ironie de l'histoire, un grave accident a eu lieu le même jour. Ça y est, cinq jours après les élections, on parle de tout sauf des élections.
Le même 3 février, il convoque ses ministres pour leur parler de pénuries, mais sans apporter aucune solution. L'insolite est qu'il dit que l'identité des responsables de ces pénuries est connue de tous. De qui parle-t-il ? Personne ne le sait, mais tous les observateurs sensés sont d'accord pour dire que c'est l'Etat qui est le premier responsable de ces pénuries.
Le 6 février, la ministre de la Justice crée une commission chargée des dossiers des martyrs Belaïd et Brahmi. De quoi nous occuper 24 heures, puisque cette commission parallèle viole allègrement les principes fondamentaux de la justice.
Le 7 février, il procède au limogeage de son ministre des Affaires étrangères sans dire pourquoi. Ça occupe, un temps, les médias.
Le même 7 février, il convoque sa cheffe du gouvernement pour lui imposer une véritable diarrhée verbale.
Le 9 février, il convoque son nouveau ministre des Affaires étrangères à qui il ordonne d'augmenter la représentativité de l'ambassade tunisienne à Damas. Il a fallu un séisme d'une très grande ampleur pour que le président aux pleins pouvoirs se rappelle de la Syrie et de sa souveraineté.
Le 10 février, il convoque sa ministre de la Justice pour violer, une énième fois, un autre principe fondamental de la justice, celui de la présomption d'innocence.
Le 11 février, un samedi, on procède à l'arrestation de Kamel Letaïef, Khayam Turki et Abdelhamid Jlassi. Le 12 février, un dimanche, on procède à l'arrestation de Béchir Akremi et Taïeb Rached. Ici aussi, on viole allègrement le principe de la présomption d'innocence et on mêle les torchons et les serviettes.

J'ai beau parcourir l'activité présidentielle de la quinzaine, je ne trouve aucun point, absolument aucun, en rapport avec les préoccupations de ma quinzaine de citoyen. Comme le dit un célèbre dicton tunisien, « nous sommes dans un oued et le président est dans un autre oued ». Et c'est là le malaise sociétal.
Quand bien même on voudrait trouver un point commun entre les arrestations du week-end, on n'en trouve pas. M. Rached est suspecté d'être un magistrat véreux, M. Akremi est suspecté d'être un magistrat politisé qui a manipulé des dossiers judiciaires, M. Jlassi est connu pour être islamiste et militant politique, MM. Letaïef et Turki sont connus pour être patriotes, lobbyistes férus de politique. Et je suis prêt à parier qu'il n'y aura aucune cour de justice pour condamner ces trois derniers, car faire de la politique ne peut en aucun cas être assimilé à un complot contre l'Etat. Leur sort sera identique à ces dizaines de personnalités qui ont été assignées à résidence ou qui ont été interdites de voyage injustement au lendemain du putsch du 25 juillet.
Durant toute cette quinzaine, Kaïs Saïed a multiplié les écrans de fumée et les ennemis. Il a tout fait pour dévier les regards des préoccupations principales des Tunisiens.
En sciences politiques, ce que fait Kaïs Saïed n'est qu'une des dix stratégies de Noam Chomsky. Et ça marche. Ça marche même très bien. Certains Tunisiens sont prêts à gober n'importe quel mensonge proféré par les gouvernants, dès lors que ça répond à leurs idées reçues et leurs fantasmes.
Loin des stratégies savantes de Chomsky, regardons leur corolaire typique en Tunisie où l'on dit « qu'on leur fasse avaler le foin ». En la matière, notre président est le premier fournisseur du pays. On dit qu'il n'y aura pas suffisamment de moutons cette année et les bouchers appellent le Mufti à annuler l'Aïd el Kebir. Il faut donc bien quelqu'un pour manger le foin. On en trouve des milliers parmi les aficionados de Kaïs Saïed.


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