L'Organisation tunisienne pour informer le consommateur (Otic), a appelé, dans un communiqué diffusé, ce jeudi 5 janvier 2023, les Tunisiens à boycotter l'achat du yaourt et les commerçants qui exercent la vente conditionnée. L'organisation a pointé l'aggravation de la crise du lait demi-écrémé, et la grande rareté de ce produit chez les détaillants, malgré la disponibilité des dérivés du lait en grande quantité. « Le principe est de fournir du lait demi-écrémé puis de fournir ses dérivés. Ce qui se passe c'est de la vente conditionnée et c'est illégal » a-t-elle ajouté.
Le président de la République, Kaïs Saïed qui s'est rendu, le 5 décembre 2022, à une usine de production de lait appartenant au groupe Délice Holding et se trouvant à Solimane a affirmé que la production de lait couvrait l'intégralité des besoins de la population. Il s'est interrogé sur la disponibilité du beurre et du yaourt et non pas du lait en brique. Les spéculateurs transforment, selon lui, le lait standard en lait 0% afin d'avoir plus de revenus et de pousser vers l'augmentation des prix. Le chef de l'Etat a, encore une fois, qualifié les circuits de distribution de circuits d'affamement du peuple. Il a critiqué la politique du ministère du Commerce. Il a affirmé qu'on accusait des petits épiciers de spéculation - alors qu'ils n'étaient en possession que de quelques bouteilles ou briques de lait - sans cibler les entrepôts de stockage des grands spéculateurs. « Le lait 0% n'était pas toujours disponible... On l'introduit sur le marché dans le but de rééquilibrer les tarifs, car son prix n'est pas fixé par la loi... Nous devons mettre fin aux crises en renforçant la production... C'est une crise provoquée... Nous sommes en guerre... Même si la marge de bénéfice régresse ! Ce n'est pas problématique... Nous ne devons pas laisser les enfants sans lait... On ne peut acheter le lait qu'en achetant du yaourt ! De la vente conditionnée ! Y-a-t-il des vaches qui donnent du lait et d'autres qui donnent des yaourts ? Le lait, c'est du lait ! Pourquoi le fromage et le beurre sont disponibles ? Y-a-t-il des vaches qui donnent du lait écrémé et d'autres qui donnent du lait demi-écrémé ? », s'est-il interrogé.
La Tunisie, rappelons-le, a atteint l'autosuffisance en l'an 2000, grâce à une stratégie nationale. Le manque de vision durant les derniers mois, mais aussi le manque de ressources de l'Etat, risquent d'amener le pays à importer le lait. Ali Klebi, vice-président de la Chambre syndicale des industriels du lait, a expliqué à plusieurs reprises, que l'Etat n'a pas payé la compensation aux industriels. Cela fait plus de quatorze mois que les professionnels produisent à perte le lait censé être subventionné et se trouvent être obligés d'en assumer les conséquences. Sur les huit usines qui existaient, il n'en reste que quatre. Les industriels ont dû recourir à l'emprunt pour combler cet afflux de trésorerie manquant, mais ils ont atteint les limites de leurs capacités d'emprunt.
Du côté des éleveurs, le prix de ventre fixé par l'Etat ne suffit plus pour faire face à la hausse des coûts et à la fluctuation des marchés. Par conséquent, plusieurs éleveurs ont dû baisser le fourrage du bétail et/ou carrément vendre leur cheptel. Résultat, la production de lait a été en chute libre depuis mai 2022 et le pays a déjà épuisé son stock stratégique. L'importation de lait en poudre pour « pallier la crise » est une mesure décriée par les intervenants du secteur qui estiment qu'elle est inutile et ne sert qu'à subventionner les producteurs étrangers au lieu de régler les problèmes des locaux.