La question de la migration irrégulière fait rage en Tunisie depuis des années. Ce fléau prend de plus en plus d'ampleur et séduit, malheureusement, les Tunisiens de tout âge et de toute catégorie. Enfants, femmes fonctionnaires, et même retraités choisissent de nos jours de risquer leur vie et de tenter la traversée de la Méditerranée sur des pseudo-embarcations. Face à cela, l'Etat se contente de compter les bateaux interpellés en mer et les corps repêchés. Partir à la recherche d'un bateau ou de naufragés ne fait, apparemment, plus partie des compétences des autorités tunisiennes. Le drame survenu à Zarzis a mis en évidence la défaillance de l'Etat sur tous les niveaux. La disparition d'une embarcation clandestine au départ de Zarzis a eu lieu à la date du 18 septembre 2022, soit depuis près d'un mois et en emportant avec elle 18 citoyens tunisiens. Ce jour-là, il faisait beau, la mer était calme et les passagers s'apprêtaient à entamer une nouvelle vie dans le vieux continent. Quelques coups de fil entre les migrants et leurs proches ont même eu lieu. Malheureusement, une heure après, plus rien ! Aucun signal de la part de ces derniers. Ceci a poussé les familles des disparus à lancer l'alerte. Quelques pêcheurs de la région sont partis à la recherche de l'embarcation. Entre-temps, une rumeur affirmant que le bateau avait chaviré au large des côtes libyennes avait fait le tour de la région. Certains ont même affirmé que les migrants avaient été interpellés par les forces libyennes et placés en détention. Cette nouvelle avait calmé les habitants de la région et les familles des victimes. Bien évidemment, il ne s'agissait que d'une rumeur que les autorités tunisiennes n'étaient pas capables de confirmer ou de nier. Et c'est ainsi que les Tunisiens ont appris que les gardes-côtes ne partaient pas à la recherche des navires disparus en mer suite à un signalement des parents des personnes concernées. Durant les jours précédents, quelques pêcheurs partis à la recherche des migrants ou d'autres s'adonnant tout simplement à leur activité économique ont commencé à découvrir quelques corps en mer. Ils ont informé les autorités tunisiennes et certains d'entre eux ont pris des photos des cadavres flottant au milieu de cette étendue bleue. Certains corps ont été découverts au large de Djerba et niant donc la rumeur concernant la détention des naufragés en Libye. Ceci a représenté un point de non-retour pour les habitants de Zarzis et les parents des victimes. Ils ont mené l'enquête et découvert, par la suite, que d'autres cadavres avaient été récupérés par les autorités locales durant la même période. Les corps ont été officiellement classés comme ceux de migrants étrangers et ont donc été enterrés dans le jardin d'Afrique. Ce jardin est un cimetière servant à enterrer les migrants inconnus morts durant la traversée de la Méditerranée. Ce jardin avait été créé pour accueillir des dépouilles selon des conditions bien précises. Les cadavres doivent être soumis à un examen médical incluant des tests ADN et une identification du pays d'origine. Une photo, prise en mer par un pêcheur et montrant un corps qui a par la suite été récupéré par les gardes-côtes, a révélé la grande mascarade et la défaillance des autorités officielles. Le cadavre avait été enterré dans ce jardin. Or, la mère de l'un des participants à cette traversée l'avait identifié comme étant son fils. La photo prise par le pêcheur était celle d'un cadavre portant le même short que celui que l'enfant avait mis avant la traversée. Ce même corps avait été enterré dans le jardin d'Afrique et les autorités locales ont insisté sur le fait qu'il soit celui d'un étranger. Les habitants de la région et les familles des naufragés découvriront par la suite qu'il ne s'agissait pas d'un incident isolé puisque ce sont pas moins de quatre morts soupçonnés d'être des Tunisiens qui ont été récupérés durant la même période et enterrés dans ce cimetière. Malheureusement, tout au long de ces tristes événements, il n'y a eu ni interventions ni visites ni communiqués de la part de l'autorité centrale ou de l'un des membres du gouvernement actuel. Parallèlement, les habitants de Zarzis se sont retrouvés dans l'obligation de multiplier les manifestations et de bloquer les routes afin de contraindre les autorités locales et régionales à les écouter et à répondre à leurs revendications. Ceci a conduit à un jour de colère et à une grande manifestation au cœur de la ville. Sous la pression des habitants de la région, les cadavres ont été déterrés et subiront un test médico-légal afin de déterminer leurs origines. Entre-temps et face à la défaillance et à l'incapacité de l'Etat à gérer la crise, les pêcheurs ont organisé, eux-mêmes, des campagnes de recherches et d'inspections de plusieurs zones. Ils ont organisé des patrouilles et ratissé plusieurs zones. Ceci a permis d'extraire d'autres cadavres. De son côté, le gouverneur de Médenine, Saïd Ben Zayed, a affirmé à plusieurs reprises que l'enterrement des cadavres a eu lieu conformément aux normes mises en place. Il a, aussi, affirmé que l'Etat avait déployé des moyens importants dans le cadre des recherches des naufragés, mais sans rien trouver. En contre-partie, les pêcheurs avec leurs petits chalutiers ont repêché huit cadavres. Les habitants de la région accusent les autorités d'avoir volontairement participé à l'enterrement douteux des Tunisiens dans le jardin d'Afrique. Le gouverneur avait apposé sa signature sur les documents autorisant l'enterrement de ces cadavres sans test ADN et en s'appuyant sur un simple constat par un médecin. Il a, également, choisi d'organiser une réunion du comité régional de lutte contre les catastrophes sans en informer personne et 21 jours après la disparition de l'embarcation. Il avait mis à l'écart les pêcheurs ayant organisé les recherches et extrait les corps. Par la suite et lors d'une visite le 14 octobre 2022, le gouverneur s'est rendu à la délégation de Zarzis. Il a été reçu par des critiques, des cris et des jets de pierres. Il a été dégagé par les manifestants en raison de ses déclarations et de son attitude. La situation continue à empirer dans la ville. Les citoyens réclament et exigent des explications et plus d'implications de la part des autorités locales mais aussi centrales. Ils ont mis l'accent sur l'absence de visites ministérielles. Ils ont lancé un appel au président de la République, Kaïs Saïed, lui demandant de leur rendre visite. Les habitants de la région ont estimé que leurs morts ont vécu en tant qu'étrangers et ont été enterrés aussi comme des étrangers. Cette affaire vient remettre en cause la crédibilité du processus mis en place et relatif à la collecte de cadavre et à leur identification. De son côté, le chef de l'Etat semble se foclaiser sur ce qui l'importe le plus : la révision de la loi éléctorale et la lutte contre les fameux spéculateurs que personne n'a encore pu identifier.