La relation tendue entre le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Deguiche et le président de la Fédération tunisienne de football (FTF), Wadii Jari, n'est plus un mystère pour les Tunisiens et les amateurs de cette discipline. Cette tension dans leur relation ne s'est pas construite au cours des derniers mois, mais bien avant cela. Le ministre avait, à la suite de sa nomination en octobre 2021, retrouvé la chaise qu'il avait occupée de septembre 2020 à février 2021. Il avait même affirmé avoir été limogé à cause de Wadii Jari. Depuis ce temps-là, le face-à-face entre Wadii Jari et Kamel Deguiche fait partie de l'actualité sportive. Il est pour certains l'événement à suivre et l'un des "matchs" les plus passionnants. On avait même usé de l'expression derby pour décrire une confrontation entre ces deux institutions. L'entame du match fut surprenante : la première action était du côté de Wadii Jari qui avait annoncé la suspension du Croissant sportif de Chebba (CS Chebba, équipe du gouvernorat de Mahdia). La décision a été fortement critiquée. Elle avait provoqué des manifestations et des centaines d'heures de débats télévisés et à la radio. Kamel Deguiche avait affirmé que la décision de la FTF était illégale. Il avait usé d'un langage assez agressif en menaçant de dissoudre la FTF. Par la suite, Hichem Mechichi, chef du gouvernement en ce temps-là, avait sifflé la fin de la première mi-temps en procédant au limogeage du ministre. Cette pause a duré plus que les quinze minutes auxquelles nous nous étions habitués. Ayant retrouvé sa pleine forme après avoir passé plus de six mois au "vestiaire", Kamel Deguiche est de retour sur le terrain et tient à le montrer. Le ministre a appliqué une tactique axée sur la tenue du match entre la Tunisie et la Zambie à huis clos et de la question des droits de retransmission des rencontres de la première division. Cette stratégie s'est avérée inefficace puisque le match de la Zambie a été complètement oublié et que les Tunisiens ne se soucient guère de la situation de la Télévision nationale puisque les rencontres de la première division sont transmises par d'autres chaînes télévisées. C'est alors que Kamel Deguiche a présenté son nouveau plan. Le ministre, qui vient de retrouver son ancien bureau, a décidé de se référer au vieux dicton « L'ennemi de mon ennemi est mon ami » et décidé de faire copain-copain avec le CS Chebba. Cette fois-ci, il ne s'agit plus de l'affaire de suspension du club, mais d'un litige l'opposant au Club Africain (une des grandes équipes de la capitale). Kamel Deguiche, ministre des Sports dont le rôle est de rapprocher les visions et de jouer le rôle d'arbitre, a encore une fois décidé de s'immiscer dans un conflit concernant des équipes sportives et la FTF afin de régler ses comptes et démontrer à tous qu'il était le seul à contrôler le "game". A l'origine de cette affaire, la rencontre qui avait opposé le CS Chebba au Club Africain à la date du 13 avril 2022. Le Croissant sportif de Chebba avait contesté la présence du président du Club Africain sur le banc des remplaçants. Par la suite, le Club Africain a, à son tour, contesté la présence du président du CS Chebba dans l'aire du jeu alors qu'il faisait l'objet d'une sanction de la FTF. Le ministre des Sports a décidé d'exiger la suspension du championnat de première division de football tant que le litige ne serait pas juridiquement réglé entre les deux clubs. Une décision assez surprenante de la part d'un ministre qui, dans le passé, évoquait le droit des Tunisiens de suivre les matchs, et d'en profiter chez eux ou dans les stades. Le ministère a adressé à la FTF une correspondance portant sur la procédure à suivre afin de garantir les droits des clubs sportifs et de trancher dans le recours déposé par le CS Chebba. Kamel Deguiche a, donc, décidé de mettre de côté la plainte déposée par le Club Africain ou alors aurait complètement oublié de mentionner la chose. Les deux scénarios nous poussent à nous interroger sur le rendement du ministre. Pire encore, le ministre a considéré que la fédération était appelée à trancher rapidement afin de préserver l'unité et la paix sociale. Est-il assez performant ? Peut-il suivre le rythme d'une telle rencontre ? Est-il capable de jouer correctement son rôle et de rester concentré ? Bien évidemment, la correspondance a fait le tour des réseaux et suscité l'indignation des supporters du Club Africain. Par la suite, l'équipe a décidé de publier un communiqué pour contre-attaquer en reprenant l'expression « paix sociale » évoquée par le ministre. « Le club n'a pas eu droit à des communiqués évoquant « l'atteinte à la paix sociale » au sujet de la disparition du martyr Omar Laâbidi ou suite à son décès lorsqu'on lui avait demandé d'apprendre à nager. Le club n'a entendu ni déclaration ni murmure de votre part au sujet de l'avancement de l'enquête et de la garanties de ses droits », a-t-on lu dans un communiqué du 30 avril 2022. La même source a rappelé à Kamel Deguiche que le ministère se devait d'être impartial, chose que ce dernier a tendance à oublier en raison de sa querelle avec le président de la FTF. Le Club Africain a considéré que le ministre essayait de faire pression sur les instances d'arbitrage et a rappelé que ce dernier avait fait partie du comité de défense du CS Chebba dans le passé. Un élément qui amplifie encore les interrogations sur les véritables motivations du ministre. Le ministre a, ainsi, montré qu'il était prêt à tout pour déstabiliser Wadii Jari allant jusqu'à suspendre les rencontres en raison d'un conflit opposant seulement deux équipes et qui relève des prérogatives de la FTF. Kamel Deguiche aurait peut-être dû être proposé au poste de président de la fédération tunisienne et non-pas comme ministre de la Jeunesse et des Sports. Ou alors, on aurait pu penser à créer un nouveau ministère chargé de Wadii Jari puisqu'il n'a que ça en tête. C'est à se demander si Wadii Jari est un bon joueur à ce jeu ou s'il s'est toujours retrouvé face à des adversaires de faible niveau !