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A Monsieur le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
Publié dans Business News le 10 - 07 - 2020

En tant que jeune docteur-chercheur qui suit l'actualité des protestations de mes collègues, j'attendais l'intervention du Pr. Slim Choura, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ma déception était grande en voyant l'absence totale d'une vision claire de notre ministre. Pour se montrer rassurant, Pr. Slim Choura utilise le langage paternaliste, en appelant tantôt les docteurs par « mes fils », tantôt par « mes étudiants ». En réalité Mr. le ministre, nous sommes vos collègues en tant que scientifiques et vos concitoyens en tant que Tunisiens, ni plus ni moins. Le ministère navigue, malheureusement, à l'aide d'une boussole brisée par les conditions économiques et financières extrêmement difficile de l'état tunisien.

Des solutions vides de sens
En 2017, Pr. Slim Khalbous, en sa qualité de spécialiste en entreprenariat, a proposé l'idée d'instaurer le statut de docteur-entrepreneur, pour encourager les jeunes chercheurs à lancer leurs startups. Trois années plus tard, Pr. Slim Choura reprend la même idée avec d'autres variantes plus « innovantes » l'une que l'autre, à l'instar d'embaucher les chercheurs dans les entreprises publiques comme la Steg et la Sonede, qui sont en réalité au bord de la faillite.
Comme son prédécesseur, le ministre actuel cherche à étouffer ce problème, même s'il prétend le contraire, et d'éviter d'entamer les réformes judicieuses qui pourraient faire mal. La solution docteur-entrepreneur est vide de sens, car l'entreprenariat n'a pas besoin d'un diplôme d'études doctorales. En outre, favoriser des docteurs au détriment d'autres candidats pour lancer son startup pourrait conduire à la perte d'idées innovantes et talentueuses par des jeunes moins diplômés et qui pourraient même être meilleurs entrepreneurs que des docteurs.
Quant à la solution d'embaucher les chercheurs dans des entreprises publiques, je me demande si le ministre a une idée sur les difficultés financières de ces dernières. Comment des entreprises en semi-faillite et qui nécessitent des plans de restructuration de fond, peuvent recruter des chercheurs pour travailler dans la recherche et développement ? Comment des structures publiques qui cherchent la survie pourraient avoir le luxe de penser innovation ? Et surtout, comment des structures dans lesquelles la majorité des ingénieurs font le travail d'ouvrier-technicien auraient besoin de recherche et développement et d'unités de recherches scientifiques ?
Autre « stratégie » discutée par le ministre est l'implication de l'industrie et des entreprises privées pour embaucher les chercheurs dans leurs unités de recherche et développement. Encore, une solution non réaliste dans une économie rentière, où les entreprises sont des quasi-monopoles, qui évoluent dans un contexte d'entente réglementée. En d'autres termes, la grande majorité des entreprises tunisiennes n'ont pas besoin d'innovation, car ceci constituerait un investissement non-rentable et une perte d'argent.

Des problèmes endémiques
Le premier problème majeur - que le ministre avoue ne pas vouloir le toucher - est le processus de recrutement des chercheurs dans les universités qui se base sur un concours national telle est la coutume dans la fonction publique. Ce processus de recrutement a deux effets négatifs, l'un sur l'enseignant et l'autre sur le système éducatif.
En effet, l'enseignant se trouve coincé dans un système archaïque d'évolution de grade tel un employé. Il est vrai que le salaire englobe une prime de recherche, qui en réalité est une somme dérisoire n'arrivant pas à couvrir des frais de transport pour collaboration avec d'autres unités de recherche (en Tunisie bien entendu). Ainsi, l'enseignant procède en général à une réorientation de carrière en profitant du nombre réduit des heures de cours pour ; ou bien lancer une carrière d'entrepreneur, ou bien devenir actif dans la société civile, ou dans des partis politique, telle est la coutume depuis 2011.
Ceci crée une baisse considérable de nombre de publications scientifiques, et surtout de nombre des publications à haute valeur ajoutée. Outre l'impact sur l'université tunisienne en terme de classement, ceci impacte la qualité de l'enseignement. En effet, l'enseignant universitaire est supposé accomplir deux missions. La première mission est celle d'encadrement de jeunes chercheurs, qu'ils soient en master, en doctorat ou en post doc, en les faisant travailler sur des sujets de pointe et d'actualité afin de contribuer à l'innovation et par conséquent à la croissance économique. Or vu l'absence de projets innovants par l'enseignant, cette première mission est vouée à l'échec.

La deuxième mission est celle de l'enseignement. A l'encontre d'un enseignant du secondaire ou du niveau de base, l'enseignant universitaire est appelé à NE pas suivre un manuscrit d'enseignement à répéter chaque année, pendant toute sa carrière. Il est appelé à transmettre à chaque promotion les innovations et les résultats académiques de pointe. Ainsi, en quittant l'université, les nouveaux diplômés sont attractifs pour le marché d'emploi national et international. Pour les mêmes raisons que celles de l'échec de la première mission, la deuxième mission de l'enseignant universitaire n'est pas accomplie comme il se doit.

Un autre problème touche les doctorants. Depuis les années 90, il y a eu en Tunisie une démocratisation des études supérieures, principalement le master et le doctorat. En d'autres termes, ces cycles supposés être réservés aux meilleurs étudiants du premier cycle, sont devenus un libre accès à monsieur tout le monde. On finit toujours par trouver un master ou un doctorat à faire ! Cette politique a longtemps plu aux gouverneurs car elle permettait de retarder les demandeurs d'emploi, et ainsi de faire « glisser » le taux de chômage. La situation devient très accommodante quand des doctorants passent de longues années à faire une thèse de doctorat, à enseigner comme assistants ou vacataires avec un salaire dérisoire et un nombre d'heure élevé. Après quelques années, on a un docteur-enseignant avec un nombre quasi nul de publication, au lieu d'avoir un docteur-chercheur avec un profil attractif à l'échelle nationale et internationale.
Aujourd'hui la majorité écrasante des prétendants docteurs, se lance dans ce processus de « recherche scientifique » ou bien parce qu'ils veulent enseigner (car selon eux, c'est un métier « reposant » surtout pour une femme qui veut s'occuper plus tard de ses enfants), ou parce qu'ils n'ont pas mieux à faire, vu que le marché d'emploi est incapable d'absorber le chômage structurel existant.

Des solutions et des mesures concrètes
Le ministre Pr. Slim Choura en étant connaisseur du milieu de la recherche internationale, devrait savoir que la solution est loin d'être celle de trouver des emplois aux jeunes docteurs, ou de lancer des plans d'encouragement de startup. Mr le ministre nous a bombardés par le mot « décret-loi ». Comme si la solution s'agissait de lancer une multitude de lois qui ne feront, en réalité, que complexifier les procédures et la situation des jeunes docteurs.
Comme partout dans le monde développé, la recherche scientifique est soutenue par des organismes autonomes qui perçoivent leurs fonds de l'impôt du contribuable. En d'autres termes, un pourcentage de l'impôt est versé aux organismes, qui gèrent le financement des laboratoires et des instituts de recherche, des enseignants-chercheurs, des doctorants, etc. Le financement est octroyé suivant des appels, annuels ou semestriels, aux projets de recherche. Ainsi, les projets qui ont plus de mérite et de potentiel d'innovation recevront les fonds nécessaires. En outre, suivant l'axe de développement prioritaire de l'Etat, le financement pourrait être orienté vers certaines disciplines plus que d'autres.
Telles mesures conduiront à i) augmenter le pourcentage du PIB destiné la recherche scientifique ; ii) contraindre les enseignements à ne recruter que les doctorants aspirants à des projets de recherche innovants et challengeant ; iii) obliger les unités de recherche à mettre la pression pour réaliser des publications de qualité afin de garder leurs budgets ; iv) améliorer la qualité de l'enseignement dans l'université publique, ce qui boostera la qualité des futures employés, cadres et entrepreneurs. Ceci mènera sans doute à une meilleure croissance économique, plus robuste et stable, qui à son tour reviendra de nouveau pour enfler les caisses de la recherche scientifique.

Vers la privatisation
Malheureusement, aucune mesure courageuse et ambitieuse pour une refonte structurelle de l'université publique et de la recherche scientifique n'est à l'ordre du jour, et ceci selon les paroles du ministre qui a dit : « Même dans 5 ou 6 années, l'université publique n'aura pas la capacité d'accueillir ces chercheurs ». La recherche scientifique est financée en grande majorité par l'argent de l'impôt, comme part du PIB, dans l'idée d'espérer un retour sur investissement. Or, le PIB en Tunisie dégringole depuis 2014. En effet, le PIB moyen par habitant est passé de 4,300 dollars (US) en 2014 à 3,400 dollars (US) en 2018. En outre, avec un système d'imposition inefficace et inefficient, l'Etat peine à trouver les ressources adéquates pour la survie quotidienne. La réforme de l'impôt est un sujet quasi-tabou en connaissant l'opacité financière des partis politiques, et l'argent qui circule pour tantôt faire monter et tantôt faire tomber des têtes au sommet de l'Etat.
La « solution » a été dévoilée à moitié par le ministre, et il s'agit de l'université privée. Malheureusement, une large gamme moyenne éduquée dérange et empêche de « gouverner » librement et tranquillement. La « solution » est d'avoir, dans un futur pas très loin, une élite proche du pouvoir capable d'aller à l'université et de travailler dans l'administration, avec une large proportion du peuple qui cherche la survie journalière et qui soit satisfaite par le minimum de développement. Ils ont compris que Bourguiba « avait tort » en éduquant les Tunisiens. Ceci a mené au soulèvement populaire de 2011.
* Dr. Hazem Krichene - Chercheur au Potsdam Institute for Climate Impact Research


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