Quand les médias tunisiens refusaient de lever le voile sur certaines vérités et préféraient garder le silence sur les crimes commis par l'ancien gouvernement, Facebook, lui, a permis aux jeunes de dénoncer le régime répressif de Ben Ali. Depuis le soulèvement des Tunisiens, plusieurs pages sur Facebook se sont mobilisées jour et nuit, pour diffuser les informations. Toutefois, Facebook est devenu une source de désinformation. Le nombre de rumeurs et d'intox est inimaginable. Mardi 1er février 2011, une avalanche de rumeurs s'est déclenchée sur le réseau social; on parle de kidnapping et d'enlèvement, dans les écoles et les lycées. La page «ensemble toujours ensemble» qui contient plus de 127 mille fans, a annoncé le kidnapping d'une jeune fille de 25 ans. L'administrateur de la page a même publié une photo de la fille et un numéro de téléphone pour d'autres informations. Quelques heures plus tard, la fille en question est intervenue sur Mosaïque Fm, pour démentir l'information de son enlèvement. Le même jour, une autre rumeur, beaucoup plus grave, circulait sur Facebook et disait que la femme du président déchu a menacé de faire des attentats à Tunis si les autorités ne relâchent pas les membres de sa famille. Cette rumeur s'est propagée vivement sur des dizaines de milliers de profil. Ces rumeurs ont pour but de semer la terreur et la panique dans l'esprit des Tunisiens, et créer ensuite le chaos. Intoxication psychologique En plus des rumeurs, la manipulation médiatique est encore plus forte. Certains internautes téléchargent des vidéos de Facebook, changent leurs titres et leurs descriptions et les «uploadent» de nouveau sur leurs comptes, pour confirmer certaines rumeurs ou pour crédibiliser certaines informations pourtant fausses ou du moins douteuses. D'autres font le montage de vidéos en utilisant des images choquantes, un texte touchant et une musique émouvante, pour manipuler l'opinion publique. Ainsi, après les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants dits de La Kasbah, certaines pages, sur Facebook, ont publié des images de personnes mortes, avec une légende qui disait que ce sont les martyrs de La Kasbah, mais quelques minutes après leur publication, il s'est avéré que les personnes qui se trouvent sur ces images sont des Egyptiens et ces photos ont été publiées sur le site «totallycoolpix.com». Les informations diffusées sur Facebook ne sont pas vérifiées, les internautes inventent, parfois, des faits et propagent des rumeurs pour créer l'information ou plutôt l'intoxication. Ce phénomène est dû à l'absence d'informations dans les médias tunisiens, notamment les chaînes de télévision. La calamité Les pages qui incitent à la haine se multiplient de plus en plus et se basent généralement sur les appartenances religieuses, politiques ou sociales. Des pages créées pour dénigrer tel progressiste, tel «bourguibiste», ou tel féministe, etc. Le discours adopté par leurs fans est indécent, un discours qui offense la pudeur; c'est même une atteinte à la dignité humaine. C'est ainsi que, le 23 janvier 2011, une page contre Salwa CHARFI, la journaliste devenue directrice de l'IPSI, a été créée, et ce après son passage dans une émission sur Hannibal TV où elle a critiqué les islamistes et les intégristes. Les adhérents de cette page emploient des mots obscènes, leurs propos sont vraiment scandaleux. Aujourd'hui, Facebook communique un éventail de canulars et de rumeurs et permet à des groupes politiques ou religieux de faire de la propagande et d'influencer l'opinion publique. Autant dire que ce réseau social devient une arme à double tranchant.