ARTICLE 19 exprime sa profonde préoccupation quant à la détérioration de la situation de la liberté d'expression en Tunisie à la suite de plusieurs condamnations injustes et d'agressions répétées contre des artistes, blogueurs et journalistes. L'organisation dénonce notamment la condamnation du rappeur Alaa Yakoubi, le 13 juin 2013, à deux ans de prison ferme pour avoir chanté une chanson jugée insultante pour la police. ARTICLE 19 considère que la peine infligée à Yakoubi, plus connu sous le nom "Weld el quinze", est totalement injustifiée et disproportionée par rapport à la nature de l'acte commis. De la même manière, ARTICLE 19 exprime sa consternation face à l'imposition de peines sévères fondées sur des dispositions du code pénal dans des affaires relatives à la liberté d'expression, alors même que le Décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse, dont les dispositions sont plus conformes aux normes internationales, pourrait trouver à s'appliquer. La Directrice exécutive d'ARTICLE 19, Dr Agnès Callamard dit : « Ces procès et agressions sont en réalité une attaque contre la liberté d'expression, de la presse, et de la création, libertés qui ont été durement acquises par les Tunisiens après le 14 Janvier et qui sont garanties par les traités internationaux. On assiste ici à une violation flagrante des engagements internationaux de la Tunisie en ce qui concerne les droits humains. » ARTICLE 19 suit également avec une profonde préoccupation l'affaire des rappeurs Ayman Fekih et Mustapha Fakhfakh et celle de la journaliste Hend Meddeb, qui ont été inculpés à la suite d'échauffourées avec la police dans le cadre d'un mouvement de soutien à Weld El Quinze. Alors que les rappeurs ont comparé devant la justice le 17 juin, la journaliste Hend Meddeb a annoncé le 16 juin dans une lettre ouverte aux autorités qu'elle quittait la Tunisie par crainte pour son intégrité physique et par manque de confiance en la justice de son pays. ARTICLE 19 invite les autorités de poursuite tunisiennes à retirer immédiatement les accusations portées contre les rappeurs et la journaliste, y compris celles d'outrage à un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions et celle d' "outrage public à la pudeur" en vertu des articles 125 et 226 du Code pénal. En outre, l'organisation invite les autorités concernées à ouvrir des enquêtes qui révèleraient les circonstances des événements qui ont suivi le procès de "Weld el Quinze" et les attaques violentes à l'encontre des journalistes et de ceux et celles qui protestaient contre la décision du Tribunal, après le prononcé du verdict d'emprisonnement contre "Weld el quinze " ARTICLE 19 a déjà exprimé son profond regret quant au verdict prononcé le 17 Juin 2013 infligeant quatre mois et un jour de prison à deux citoyennes françaises et une citoyenne allemande appartenant au groupe Femen pour avoir manifesté seins nus à Tunis. ARTICLE 19 estime que dans toutes ces affaires les tribunaux ont omis de considérer si les restrictions à la liberté d'expression fondées sur la protection de la moralité publique ou des droits d'autrui étaient justifiées. En particulier, dans l'affaire Femen·, le tribunal aurait dû tenir compte du fait que l'expression en question était de nature politique et aurait donc dû bénéficier d'une protection accrue. En outre, le tribunal aurait dû examiner si la sanction appliquée était proportionnée au but poursuivi, à savoir la protection de la moralité publique. ARTICLE 19 s'interroge également sur la question de savoir si le concept de moralité publique n'a pas été appliqué de manière discriminatoire. Nous craignons fortement que ces condamnations ne soient symptomatiques d'une régression générale des libertés en Tunisie, en particulier la liberté d'expression, par le biais de l'application des textes pénaux hérités de l'ancien régime pour condamner des actes au nom de la moralité, de la pudeur et de la perturbation de l'ordre public, ajoute Dr. Callamard.