Figure de proue de la pègre et de la prédation, neveu favori de l'ex première dame, dont elle a accompagné et soutenu les pas sur le chemin de la fraude, de l'extorsion et de la mise à sac de l'économie tunisienne, Imed Trabelsi, dans ses petits souliers, les yeux faussement en larmes, demande pardon et souhaite tourner la page. Et quelle page !! Plutôt un livre, noirci d'actes de pillage, de corruption et de racket. Grand seigneur, il a reconnu ses criminels faits d'arme et s'est dit prêt à restituer les sommes volées et à compenser les familles lésées. En tout cas, l'auditionné a dévoilé des pans entiers du système de corruption, de trafic et de passe-droit prévalant sous la dictature déchue et qui continue jusqu'aujourd'hui à saper les fondements de l'économie nationale, avec les mêmes pratiques de contrebande, les mêmes complices et les mêmes écrans d'impunité. D'abord, sans revenir au contenu de l'audition d'Imed Trabelsi, dont tout le monde connait les détails et les approximations, il y a trois constats à faire : L'IVD a habitué l'opinion publique à auditionne les victimes. C'est la première fois que cette instance fait parler un coupable, qui plus est gendre de Ben Ali et fils spirituel de Leila. L'IVD a habitué l'opinion publique à diffuser en intégralité et en directe à la télé les auditions. Pourquoi n'en avoir pas fait de même avec Imed Trabelsi ?! L'IVD a habitué l'opinion publique à organiser les auditions en public et en toute transparence. Pourquoi a-t-elle jugé opportun, cette fois-ci, de se déplacer au prison, d'enregistre l'audition et d'en faire un montage pour le moins instrumentalisé. Par ailleurs, d'aucuns estiment qu'il y a un fuseau d'interrogations qui interpelle, requérant des réponses précises et diligentes, et dont ci-après les principales : * Est-ce les étapes procédurales présidant à l'audition publique, prévues par l'IVD, ont-elles été scrupuleusement respectées ? Est-ce qu'Imed Trabelsi s'est acquitté de l'obligation de soumettre, comme préalable à toute audition, le détail des avoirs détournés ou pillés ? Est-ce que l'enquête sur les dossiers instruits contre l'intéressé a été clôturée en bonne et due forme, comme l'exige la loi ?! * Dans le cas de figure où la fin de non-recevoir signifiée par le président du contentieux de l'Etat, agissant au nom de l'Etat tunisien, à la demande réconciliation, présentée par Imed Trabelsi, est motivée par l'absence d'un écrit détaillant les biens mal acquis, comment se fait-il que l'IVD autorise l'audition en question ?! N'y aurait-il pas là un vice de procédure. * Le timing de l'audition et de sa diffusion est-il fortuit ? Ce n'est guère par hasard que cette émission soit retransmise à la télévision nationale alors que la classe politique et la société civile sont déchirées dans un houleux contexte de bras de fer et de tension autour de la loi sur la réconciliation économique et financière ! * Est-ce que l'IVD est compétente pour interroger Imed Trabelsi ? * Pourquoi l'audition d'Imed Trabelsi a été effectuée de la prison de Mornaguia ? Y aurait-il un traitement spécifique aux victimes et un autre distinct pour les coupables ? * Ensuite, pourquoi l'IVD a censuré une partie de l'audition d'Imed Trabelsi, notamment la séquence relative au concert de Mariah Carey, de sinistre mémoire, pour lequel des ministres ont été déjà jugés et condamnés (peine de 6 ans de prison ferme) * Pourquoi les questions ont été occultées et remplacées par des bandes thématiques ?! A moins qu'elles aient été instrumentalisées ou pilotées, d'où leur suppression. Auquel cas, l'audition n'est qu'une farce de mauvais goût sinon un coup monté de toutes pièces ! * Sur quels critères l'IVD définit le calendrier des auditions ? Ou est-ce selon l'humeur ou le bon vouloir de ses membres, notamment sa présidente ? * Le montage de l'audition n'est-il pas manipulé ? Sur certaines séquences, on sent la coupure, on reste sur sa faim. De toute évidence, les aveux ont été filtrés. * La chronologie de l'audition n'est pas crédible et semble être chamboulée, hachée et amputée. A deux reprises, Imed Trabelsi se réfère à un segment de sa confession que le téléspectateur n'a pas entendu. Certains observateurs sont persuadés que le choix ayant présidé au timing et au profil de la personne auditionnée n'est qu'une manœuvre pour contrer la loi sur la réconciliation économique et financière, initié par le président de la république et soutenue par le gouvernement, en cours d'examen dans la commission de législation générale de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), au motif que son texte tente d'affranchir les crimes crapuleux, de blanchir les coupables de corruption et de racket, et de confisquer les attributions de l'IVD. Il est incontestable que les révélations d'Imed Trabelsi, aussi manipulées qu'elles soient, constituent des piques contre ladite loi. Sur son contenu, le témoignage d'Imed Trabelsi n'est pas vraiment ni un scoop ni une exclusivité. Tout le monde est au courant et au fait des pratiques de prédation et de fraude ayant émaillé le régime déchu. La seule nouveauté c'est qu'une figure de la corruption et de l'impunité s'en ouvre aux tunisiens et démonte le système en dévoilant les "techniques", les failles et les accointances. Il n'est pas exclu que le témoignage ouvre la porte de l'enfer et contribue à donner de meilleurs leviers à l'appreil de justice en général et à la justice transitionnelle en particulier. En conclusion, nombreuses questions restent en suspens sur divers plans et nécessitent des réponses claires. L'audition d'Imed Trabelsi a ajouté une couche de discorde sur un contexte national déjà enlisé dans la division, la crise et la controverse. L'ouverture d'une enquête sur ses déclarations, ordonnée par le ministre de la justice, sur instruction de son chef de gouvernement, serait peut-être le premier pas sur le chemin miné et escarpé de la lutte contre la corruption et le trafic et de la justice transitionnelle, processus promis à l'arbitrage et, à terme, à la réconciliation nationale, mais jusqu'ici malheureusement plombé par les enjeux politiques, les surenchères et les guerres d'egos.