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«Moi aussi j'ai été violentée», témoignages de femmes révoltées, décidées à ne plus se taire
Publié dans Le Temps le 11 - 06 - 2014

On dit des femmes qu'elles sont le sexe faible. Au nom de qui, de quoi? Qui en a décidé ainsi? Elles n'ont peut être pas la même force physique que celle d'un homme mais est-ce une raison pour se permettre de les violenter moralement ou physiquement ? Au lendemain du décès de Eya, une jeune fille de treize ans brûlée vive par son père pour avoir "osé" rentrer du collège en compagnie de son camarade de classe, de jeunes femmes tunisiennes se sont révoltées et ont lancé, sur les réseaux sociaux, la campagne « Moi aussi j'ai été violentée », pour dénoncer les violences en tous genres qu'elles ont subi ou qu'elles continuent de subir. Une onde de choc déstabilisante. Une vérité douloureuse longtemps reniée, ignorée car taboue. Des témoignages parfois pudiques, parfois colériques mais toujours emplis de courage et d'audace.
La petite Eya a rejoint, dimanche, sa dernière demeure, ravie à la fleur de l'âge, à cause d'un excès de colère paternel. Elle laisse derrière elle une maman en pleurs, terrassée par une si grande douleur. Le père, lui, croupit en prison. Mais peut-on encore qualifier de "père" ce monstre qui brûle la chair de sa chair car elle a souillé, d'après lui, l'honneur familial en osant marcher dans la rue à côté d'un garçon ? Rien ne peut justifier une telle horreur et pourtant ! Cette tragique histoire familiale est loin d'être un cas isolé. Sans toutefois en arriver au meurtre, de très nombreux pères ou grands frères violentent leurs filles ou soeurs et n'hésitent pas à utiliser des bâtons, des barres de fer ou encore des ceintures pour le faire. Très émue par l'histoire de Eya, une jeune fille qui a tenu à garder son anonymat, témoigne: " Il y a quelques années, alors que je rentrais du lycée avec un camarade de classe, mon grand frère nous a aperçus et l'a tout de suite rapporté à mon père qui ne s'est pas privé de me frapper au visage à coup de ceinture militaire. La boucle en acier a causé de profondes cicatrices qui m'ont enlaidie à jamais. Aujourd'hui, mon frère est parti continuer ses études à l'étranger. Quant à moi, je n'ai qu'un seul espoir: celui de rencontrer un homme qui me sortira de cette prison. L'enfer c'est ma famille. " Les statistiques officielles l'attestent. La violence à l'égard des femmes est une réalité très répandue dans notre pays. Selon une enquête officielle réalisée en 2010, plus de 47% des Tunisiennes âgées entre 18 et 46 ans, ont déclaré avoir subi des violences au moins une fois dans leur vie. Contrairement aux idées reçues, les femmes habitant en milieu urbain sont tout autant exposées à la violence que celles vivant en zone rurale. Les formes de violence diffèrent d'un cas à un autre mais la plus répandue reste physique (31,7%), puis psychologique (28,9%) et enfin sexuelle (15,7%). Une question se pose toutefois. Combien, parmi ces femmes et jeunes filles interrogées, ont subi des agressions sexuelles et n'ont pas osé l'avouer, en sachant qu'en Tunisie, 80% des agressions sexuelles sont perpétrées dans le cercle familial et le bourreau est très souvent un proche ? Meurtries dans leur chair, combien d'entre elles se sentent salies, déshonorées? Elles se savent victimes mais gardent pourtant le silence. Souvent, un double sentiment de culpabilité s'empare de ces femmes, celui de ne pas avoir eu le courage de se défendre et celui de ne pas avoir eu le courage d'en parler. Petit à petit ces personnes s'enfoncent dans la honte et se taisent à jamais. Car dans une société conservatrice comme la notre, parler de viol, d'attouchements sexuels et même de coups reçus est tabou. Pire encore, le harcèlement psychologique est très rarement identifié et reconnu en tant que forme de violence.
La honte doit changer de camp
Suite à l'affaire de Myriam, la jeune fille violée par des policiers, les langues ont commencé à se délier et quelques victimes ont eu le courage de parler des violences qu'on leur a infligé mais ce n'est pas assez. La honte doit changer de camp et la parole doit se libérer. Les femmes violentées doivent oser en parler, peu importe la forme de violence qu'elles ont subie. Les choses doivent changer. C'est justement le but de la campagne « Moi aussi j'ai été violentée ». Des jeunes filles ont pris la parole et publié sur les réseaux sociaux leurs témoignages. Tout récemment, Hazar a subi des attouchements en pleine rue, en plein jour. Au centre ville, deux hommes l'ont agressée au vu et au su des passants qui n'ont rien fait pour lui venir en aide. Elle se livre: "Je n'ai rien dit. Je n'ai pas osé élever la voix. J'ai eu peur. Dans ma tête, je me disais que si je ne réagissais pas, si je ne faisais rien, si je leur montrais que j'étais inoffensive, ça n'irai pas plus loin. Ca m'épargnerait ainsi un "scandale", la foule, les questionnements, la police, et tout ce qui s'en suit. Je me suis dérobée, faisant mine de n'avoir rien senti, rien compris, rien entendu, rien vu. En pressant le pas et en me fondant dans la foule. Quelques pas plus tard, je ne me sentais pas bien. J'avais honte de ma réaction. J'avais honte de ma passivité. J'avais honte de ma lâcheté. Quand on est violentée, ce n'est jamais la faute de la victime. " Autre témoignage, autre chagrin, celui d'Amal : " Mon expérience avec la violence masculine remonte à mon jeune âge où les excès de colère, d'agressivité et de violence étaient devise courante presque banale. Violenter un enfant, c'est lui infliger l'impuissance, la frustration, la rage et la haine. La haine est une graine dangereuse. Oui, moi aussi j'ai subi des violences physiques, des agressions sexuelles et des chantages affectifs. C'est pourquoi, aujourd'hui, je me promets de ne pas avoir d'enfants pour qu'ils n'héritent pas de ma haine." Une autre Amal a choisi de dénoncer les violences qu'elles a subies: "Oui, moi aussi j'ai été violentée ! Moi aussi on a essayé de m'humilier, de me soumettre, de m'infliger la torture mentale et la violence aussi bien verbale que physique. A la longue, la colère répétitive et injustifiée blesse le corps, le cœur et l'âme de celui ou celle qui la subit. Certains hommes que j'ai profondément aimés ont osé lever la main sur moi. J'ai d'abord appris à pardonner puis j'ai essayé de leur trouver des arguments, puis je me suis convaincue que c'était une maladie. Enfin, j'ai décidé de dénoncer pour empêcher que d'autres le vivent, que mes enfants le vivent, que mes amis le vivent. La violence n'est pas justifiable. Personne ne mérite d'être violenté." Henda, fervente militante des droits de la femme, avoue avoir subi, elle aussi, des violences durant son enfance par des hommes de sa famille. Elle révèle que la situation n'est pas meilleure dans les milieux professionnel et militant dans lesquels elle évolue. Elle conclut sur une note pessimiste, de colère : "Le plus révoltant est notre incapacité à nous défendre et l'impossibilité d'en parler avec nos proches [...] car on a peur! C'est déprimant d'avoir la certitude que ça ne va jamais changer et de voir de petites filles grandir dans cette société malade sans pouvoir leur apprendre à se défendre!"


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