Interpellée lundi dernier par la police à Kairouan, Amina du mouvement Femen a été présentée au procureur de la République près le tribunal de première instance de Kairouan, qui l'a placée en détention. Hier, elle a comparu devant le juge d'instruction du même tribunal qui, après son audition, l'a placée sous mandat de dépôt. Quels chefs d'inculpation ont-ils été retenus à son encontre ? Il n'y a pas pour le moment une réponse précise à cette question, bien que l'accusé ait bénéficié de toutes les garanties de défense, ayant été assistée lors de l'interrogatoire, par une dizaine d'avocats. Ces derniers affirment, pour la plupart qu'Amina serait poursuivie pour deux délits : Profanation de tombeaux et détention d'arme blanche sans autorisation. Le premier chef d'inculpation serait conséquent au fait que l'inculpée aurait tagué le mur d'un cimetière près de la mosquée, après s'être dénudée. Quant au deuxième chef d'inculpation, il serait à cause de la bombe à gaz trouvée sur elle, lors de sa fouille par la police. Il n'a pas été précisé si cette bombe allait lui servir à taguer, à commettre des agressions, ou simplement à se défendre. Motifs et prétextes Toujours est-il que les déclarations officielles semblent être obscures voire contradictoires. En effet, alors que le représentant du ministère de l'Intérieur a déclaré que l'inculpée ne sera pas poursuivie pour atteintes aux bonnes mœurs, le gouverneur de Kairouan a déclaré à une radio de la place qu'elle s'est dénudée en public au moment où elle taguait sur le mur d'un cimetière limitrophe à la mosquée Okba Ibn Nafaâ Par ailleurs et selon des témoins oculaires qui étaient présents sur les lieux, Amina ne s'est pas dénudée, c'est ce qui explique qu'elle n'a pas été poursuivie pour atteinte à la pudeur. Intention délictueuse L'intention en matière pénale constitue l'un des éléments de l'infraction, à savoir l'élément moral. Commettre un geste délictuel sans l'intention malveillante de nuire ou de porter atteinte à autrui peut être punissable. Un geste violent dans l'intention de critiquer de manière sarcastique, peut être puni en tant que violence volontaire, consistant en une atteinte à l'intégrité morale d'autrui. C'est justement ce qui caractérise certains actes d'Amina, qui appartient à cette organisation féministe en France, dont les membres oeuvrent tous azimuts à dénoncer toute forme d'atteinte à la liberté de la femme. Au mois d'avril dernier, certains membres de cette organisation, se présentèrent sur le parvis de la grande mosquée de Paris, en tenue d'Eve, pour mettre le feu au drapeau des salafistes. Amina a-t-elle voulu vraisemblablement agir à l'instar de ses camarades parisiennes ? C'est que semble affirmer la plupart de ceux qui se trouvaient à la ville de Kairouan, lorsqu'elle a essayé de se dénuder le torse. C'est pour l'en empêcher semble-t-il qu'il a été fait appel à la police. Elle n'est pas en tous les cas poursuivie sur cette intention de se dénuder. «Provocation de tous les citoyens » Samir Dilou, ministre de la Justice transitionnelle a déclaré que « ce qu'a fait Amina, constitue une provocation de tous les citoyens de Kairouan » Le fait de taguer sur le mur d'un cimetière constitue une profanation inacceptable par les citoyens Kairouanais, qui sont respectueux des monuments funéraires. En fait, toute profanation est réprouvée par la loi et la morale, qu'on soit à Paris, à Genève, ou à Kairouan. C'est sur cette base qu'Amina a été inculpée, en vertu de l'article 167 du code pénal. Le tag est-il une profanation ? Le fait de taguer est peut-être pour Amina une forme d'expression et non une provocation. Cependant, c'est un moyen qui n'est pas entré dans nos mœurs, et il est systématiquement condamné par ceux qui se sentent visé par les messages que les tagueurs veulent adresser. Toujours est-il que tout dépend du contexte dans lequel il est pratiqué. Il peut en effet choquer certaines personnes, voire porter atteinte à leur intégrité morale. Ce n'était pas l'intention d'Amina, selon les avocats de la défense qui affirment que leur cliente a agi pour exprimer un sentiment. La bombe à gaz trouvée sur elle, était destinée à sa défense personnelle en cas de besoin, ont soutenu par ailleurs les avocats de Amina . Elle restera en détention, en attendant de comparaître devant un tribunal, mais cela peut demander quelques semaines, voire quelques mois, le délai légal étant de 14 mois à compter de la date du procès verbal de clôture émis par le juge d'instruction.