L'unique acquis de la Révolution : la liberté d'expression est-elle aujourd'hui remise en cause ? Certainement. Ce constat a été confirmé hier, par les acteurs de la société civile et les défenseurs de la liberté d'expression lors d'une conférence de presse donnée au siège du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT). Conscients des risques qui guettent la liberté d'expression ainsi que celle de la presse, les militants dans le domaine ont décidé de créer une Coalition civile pour la défense de ce principe universel indispensable pour l'instauration de la démocratie en Tunisie. Dès lors, le SNJT, la Ligue Tunisienne de la Défense des Droits de l'Homme (LTDH), le Syndicat Général de la Culture et de l'Information à l'UGTT, l'Association Vigilance pour la Démocratie et l'Etat civil, le Syndicat Tunisien des Radios Libres, le Syndicat Tunisien de la Presse Indépendants et des Partis et le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse ainsi que d'autres structures et des personnalités nationales ont annoncé que la coalition civile pour la défense de la liberté d'expression n'est qu'une nouvelle étape dans un processus qui s'annonce long à parcourir et surtout parsemé d'obstacles. Plus de deux ans se sont écoulés depuis la Révolution, alors que les tentatives orchestrées pour mettre la main sur le secteur de l'information se multiplient. En fait, nombreux sont les indices apparents et latents qui prouvent que les partis politiques au pouvoir dirigés par le Mouvement Ennahdha, ne lésinent pas sur les moyens pour museler la presse et limiter par conséquent, la liberté d'expression. Signes de violation «L'insouciance du gouvernement à l'égard des textes de loi régissant le secteur de l'information, et la violation de leurs dispositions, ce qui a entraîné un vide juridique délibéré qui a favorisé l'émergence de certains médias, politiquement alignés et aux financements douteux, outre les nominations arbitraires à la tête des médias publics et les agissements irresponsables à l'égard de ces médias, tels que les menaces de les privatiser, l'inscription dans l'avant-projet de la future Constitution d'un ensemble de dispositions qui sont contraires aux fondements de la liberté d'expression et aux standards internationaux dans ce domaine, ainsi que la tentative de revenir sur le principe de l'indépendance effective des instances constitutionnelles en charge des secteurs de l'information et de la magistrature », sont notamment, quelques exemples cités par les membres de la coalition. D'ailleurs, c'est dans un appel lancé, depuis déjà la semaine dernière que les signataires ont commencé à attirer l'attention sur la gravité de la situation par laquelle passe la liberté d'expression. Non respect des textes de loi En fait, les exemples sont multiples et variés. Chacun de son côté et à sa manière œuvre à limiter la liberté d'expression. Le groupe du CPR a présenté à l'ANC un projet de loi qui a pour finalité d'abroger le décret-loi N°115 de l'année 2011, relatif à la liberté de la presse, de l'impression et de l'édition. Répressif, ledit projet loi pénalise par une peine de prison allant jusqu'à 6 mois toute personne ou journaliste qui critique un responsable politique. Il comporte en fait, plus de 13 articles prescrivant des peines privatives de liberté et ce, sous prétexte de lutte contre la diffamation. La démarche adoptée pour limiter la liberté d'expression ne se limite pas à ce niveau. Les signataires dénoncent en fait « le blocage du processus d'application du décret-loi N°116 de l'année 2011, depuis plus de 28 mois, et le non-respect des conditions fixées par ce texte de loi qui prévoit la création d'une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA), après que le Président de la République eut abdiqué ses prérogatives en faveur des partis de la Troïka, en particulier du parti « Ennahdha », qui a entravé la création de la HAICA, en écartant les candidats connus par leur compétence et leur indépendance d'esprit et de caractère, et en proposant à leur place des personnes fidèles et dévouées ou qui n'ont jamais brillé par leurs positions en faveur de la liberté de la presse ». Objectifs Les signes de la limite de la liberté d'expression se multiplient d'un jour à l'autre, d'où l'urgence de bouger et de s'organiser pour arrêter la machine qui envisage d'éradiquer le seul acquis de la Révolution. Il s'agit en effet, du cheval de la bataille de la coalition, très déterminée à aller vers l'avant en mobilisant les professionnels du secteur ainsi que l'opinion publique et les personnalités nationales afin d'endiguer ce fléau. La coalition envisage ainsi, de faire une pression pour appliquer les textes de loi garantissant la liberté de la presse, de l'édition, de la communication audiovisuelle et l'accès à l'information. Elle a pour objectif également, d'abroger l'article 121 de la Constitution stipulant la création d'une instance chargée de l'information, d'où le risque de mettre en place une structure qui contrôle le secteur de la presse contrairement à ce qui est appliqué dans les pays démocratiques. En outre, la coalition veillera à la constitutionnalisation de la protection du droit à la liberté d'expression, de la presse, de l'information et l'accès à l'information selon les standards internationaux, tout en activant la création de la HAICA selon les critères requis, sans pour autant négliger une autre action qui ne manque pas d'importance. En effet, les activistes des droits de l'Homme militeront pour l'annulation du projet de loi présenté par le CPR à l'ANC, comme ils veilleront à la révision des statuts des établissements médiatiques publics afin de garantir leur transparence ainsi que la bonne gestion de leurs ressources humaines et financières. La protection et la réorganisation des circuits de distribution des journaux pour qu'ils ne soient pas monopolisés par des personnes ou des parties au détriment d'autres, la lutte contre la distribution de la publicité publique selon les normes et les critères appliqués avant la Révolution et la lutte contre l'impunité figurent parmi les priorités du travail de la coalition laquelle appelle également à la clarification de la situation des établissements médiatiques saisis par l'Etat avant qu'ils soient vendus. Mais comment la coalition procèdera-t-elle pour accomplir son travail et atteindre ses objectifs ? Rien n'a été fixé pour l'instant, sauf qu'il revient aux journalistes d'être les garde-fous pour défendre la liberté de la presse et par conséquent la liberté d'expression. Il ne faut pas qu'ils soient terrorisés ou avoir peur, d'autant plus que le discours du gagne pain est remis sur la sellette, d'où « le grand risque de perdre aussi bien la liberté d'expression que le gagne-pain », attire l'attention Om Zied. La balle est dans le camp des journalistes qui doivent défendre sa liberté. Ils n'ont donc qu'à défendre le seul acquis qui leur a été offert grâce à la Révolution.