Chaque samedi à partir de 15 H durant le mois d'avril à la maison de la culture Ibn Khaldoun, le ciné-club de Tunis consacre, dans le cadre de « la promotion de la culture cinématographique alternative et la diffusion d'un cinéma qui se distingue par son approche novatrice », un cycle à un militant de la liberté artistique, le réalisateur espagnol Carlos Saura organisé en collaboration avec l'ambassade de l'Espagne et l'institut Cervantes. Le cycle a été inauguré samedi dernier par le film « Cria Cuervos » qui sonne le glas du franquisme. 30 ans après son succès international, « Cria Cuervos » reste criant de vérité. Par des va et vient dans le temps, il explore la mémoire d'une jeune femme Ana (Géraldine Chaplin), qui en 1995, se souvient de son enfance, de la mort prématurée de sa mère, puis de son père. Dans ses souvenirs, son visage apparait sous les traits de la petite fille qu'elle fût (Ana Torrent) qui n'arrive pas à discerner entre l'imaginaire et la réalité, habitée par les fantômes de son père, général franquiste et de sa mère, pianiste de talent qui fut obligée de renoncer à sa carrière d'artiste pour satisfaire les désirs de son fasciste de mari. Mais ce qui est intéressant pardessus tout dans ce film, ce sont les scènes muettes à l'instar de la grand-mère d'Anna et aussi à peine suggérée la mort proche de Franco qui annonce la fin de l'époque franquiste et l'agonie d'une Espagne malade du pouvoir politique et religieux laissant ses enfants marqués par les stigmates de la dictature. Un très beau film brillamment mis en scène et interprété par des actrices hors pair rehaussé aussi par la chanson « Porque te vas ». Et si on dansait ! Aujourd'hui samedi, 20 avril sera projetéeune comédie dramatique « Ay, Carmela ! ». Pendant la Guerre civile espagnole, Carmela et Paulino, artistes de variétés qui divertissent les soldats sur le front, sont pris par les Franquistes. Ils sont emprisonnés au milieu des Polonais des Brigades internationales. Un fasciste italien leur propose un marché: ils sauveront leur peau s'ils participent à un spectacle vantant les mérites du franquisme et ridiculisant les Républicains. Ils acceptent: Paulino est un caméléon prêt à tout pour survivre, mais Carmela, bonne et passionnée réussit au cours du spectacle à dire ce qu'elle pense. Au cours d'une rébellion des prisonniers, elle est tuée d'une balle perdue. Le samedi 27 avril, projection et débat du film musical « Tango ». Buenos Aires, de nos jours. Mario Suarez, un talentueux metteur en scène argentin, vient d'être quitté par sa femme Laura. Pour oublier son chagrin, il se réfugie dans le travail et se lance à cœur perdu dans un vaste film consacré au tango. Dans ce projet, se mêlent l'histoire de sa vie et celle de son pays, le passé et le présent, la musique et la danse, le drame et la poésie, et l'amour. Au cours des auditions, on lui présente une ravissante jeune danseuse, Elena, qui est la protégée du principal commanditaire du spectacle, le puissant Angel Larroca, un homme aux activités très louches. Le samedi 4 mai, séance d'analyse filmique animée par Maria Ruido. María, chercheuse en histoire contemporaine. Formée en histoire de l'art, elle est titulaire d'un doctorat en arts médiatiques. Elle est à la fois, productrice, réalisatrice, universitaire et opératrice culturelle. Elle a travaillé sur des projets interdisciplinaires concernant les médias, depuis 1996. Au cours de ses recherches, elle a réalisé une enquête sur l'imaginaire et le travail dans le capitalisme ainsi que sur les mécanismes qui construisent la mémoire et ses liens avec les différents récits historiques. Maria Ruido vit entre Madrid et Barcelone où elle enseigne au département des médias. Elle a obtenu en 2009, au festival du Film Indépendant de New York, le prix du meilleur long métrage documentaire pour «Plan Rosebud 2». Un sens de l'esthétisme Le réalisateur Carlos Saura est né dans une famille d'artistes. Il découvre sa vocation grâce à sa mère pianiste et son frère peintre. Il se lance d'abord dans la photographie avant de s'inscrire à l'Institut de recherches et d'études cinématographiques de Madrid, où il obtient un diplôme en tant que réalisateur en 1957. Il enseigne dans les locaux où il a étudié jusqu'en 1963, et réalise en parallèle ses premiers films : le documentaire ‘Cuenca', et la fiction ‘Los Golfos' en 1960 qui traite de la délinquance dans les quartiers pauvres de Madrid et lui vaut ses premiers démêlés avec le régime franquiste. Pour éviter la censure tout en défendant ses idées, il adopte dans les années 1970 un mode d'expression plus allégorique avec ‘Le Jardin des délices', ‘Anna et les loups' et ‘Elisa mon amour', qui critiquent le franquisme de façon symbolique. Il est récompensé au Festival de Cannes à deux reprises grâce à ‘La Cousine Angélique' en 1973 et ‘Cria Cuervos' en 1976, qui remportent tous deux le Grand prix du jury. Dans les années 1980, Carlos Saura délaisse la politique et concentre son travail sur la musique et la danse. Après trois films sur le flamenco - ‘Noces de sang', ‘Carmen' et ‘L'Amour sorcier' – il réalise ‘Tango' en 1998. Il dirige l'année suivante un film sur son peintre préféré, Goya, et revient à la danse en 2002 en filmant le ballet ‘Salomé'. En 2005 il réalise le documentaire ‘Iberia', suivi deux ans plus tard de ‘Fados', sur la musique portugaise. En 2008, Carlos Saura se lance dans un projet ambitieux sur la vie de Lorenzo da Ponte, un chanteur lyrique italien du 18e siècle. Son engagement politique, son sens de l'esthétisme et sa culture artistique font de Carlos Saura une figure majeure du cinéma européen.