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Le droit des citoyens d'être informés
Pour une démocratisation du système de l'information (1/2)

La nécessité de « réformer » le système de l'information et de la communication, outre le fait qu'elle était une revendication de toutes les forces politiques et associatives depuis des décennies, s'est imposée avec la Révolution de 2011 comme la pierre angulaire de la transition démocratique.
Une Instance Nationale indépendante pour la Réforme de l'Information et de la Communication (INRIC), présidée par le journaliste et militant des droits de l'homme Kamal Labidi , a été constituée, début 2011, pour ouvrir le débat sur les moyens de démocratiser et de dynamiser les secteurs de la presse écrite et de l'audiovisuel national.
Lors des travaux en commissions, des colloques et réunions publiques ouvertes organisés par l'INRIC, nombreuses étaient les voix des confrères qui réclamaient un audit indépendant du secteur. Des organisations internationales comme Article 19, des institutions médiatiques honorables comme la BBC ont exprimé leur disponibilité à y participer pour apporter une contribution professionnelle, équilibrée, impartiale et indépendante qui permettrait d'aboutir à un diagnostic objectif sur l'état des médias du secteur public. Il faudrait délimiter les tares à corriger et les potentialités à confirmer, les structures à réhabiliter, celles à changer, le personnel à mettre au niveau des standards internationaux de la production de l'information et les nouveautés à mettre en place dans un nouveau système médiatique performant. Ce travail d'audit et de réforme ne peut être mené que par des professionnels des médias, indépendants et préservés de toute pression venant de la profession, des politiques ou des lobbies.
En parallèle, les critiques des médias tunisiens fusaient légitimement de toutes parts, y compris des gouvernements provisoires successifs, exprimant l'insatisfaction des acteurs de la vie publique. En démocratie, la critique honnête des médias est un exercice bénéfique, sauf que nous sommes dans uns phase démocratique de transition où le secteur de l'information n'a pas encore été assaini. Certes, au niveau des médias publics, des mesures provisoires furent prises en vue de garantir la continuité de la presse, de produire la programmation de Ramadhan, de redynamiser les chaînes de radio et de télévision et de se préparer aux élections de l'Assemblée nationale Constituante, mesures qui ont largement montré leurs limites même si des améliorations ont pu être apportées. On ne peut manifestement pas faire du neuf avec du vieux.

Les élections, fausse / bonne nouvelle
L'idée qu'il faille donner aux journalistes les moyens de se protéger contre les ingérences et les manipulations est salutaire. L'idée qu'il faille procéder à des élections au sein des rédactions pour dégager une représentativité démocratique est essentielle. Cependant, l'idée de donner les clés d'un journal ou d'un média audiovisuel à une équipe de journalistes, même élus entre eux, est une fausse bonne idée. La vérité est que, de ce fait, ceux et celles qui se retrouveront aux commandes sont les acteurs de l'ancien système puisque aucune mesure d'assainissement n'aura été faite. D'autre part, sur le plan de l'éthique de la profession, la direction et le contrôle de l'éditorial ne sont pas une fonction. C'est une mission, une responsabilité que l'organe octroie à un journaliste. L'organe doit être en mesure de le révoquer s'il dévie du code d'éthique journalistique ou s'il n'applique pas la ligne éditoriale décidée. Dans le cas de l'élection des rédacteurs en chef, deux pouvoirs sont mis en place au sein de l'institution : un pouvoir désigné à la tête de l'institution et un autre élu par les journalistes. Rien ne présume qu'une « cohabitation » de ce genre soit viable pour l'institution et qu'elle serve l'intérêt du public.
Les journalistes qui veulent exercer le pouvoir peuvent fonder leur propre organe. S'ils veulent se protéger – et c'est légitime – ils peuvent s'organiser au sein de l'institution, comme cela est pratiqué dans tous les pays démocratiques. Ils peuvent élire une société de rédacteurs, élire leurs représentants. Cette structure, en plus du syndicat, doit veiller, dans la concertation et le dialogue avec l'institution, au respect des règles et à l'autonomie du travail journalistique. Mais, en aucun cas, elle ne doit prendre le pouvoir seule au sein de l'institution.
Quand la Haute autorité indépendante, qui sera mise en place, espérons-le le plus rapidement possible, aura désigné un responsable à la tête d'une institution, il doit avoir l'entière responsabilité de mener les réformes à bon port. Il ne pourra le faire s'il trouve en face de lui ceux-là même qui ont perpétué l'ancien système, ni un contre-pouvoir qui pourrait s'avérer un obstacle aux réformes nécessaires. Il revient aux nouveaux responsables de former leurs équipes parmi celles et ceux qui sont des compétences indépendantes reconnues, qu'elles soient à l'intérieur ou à l'extérieur des institutions médiatiques.

Assainir le système

Les gens du métier connaissent bien le système pour l'avoir pratiqué. Ils en connaissent même le détail. Résumons pour les non-initiés les éléments fondamentaux du « système Abdelwahab Abdallah », comme d'aucuns le nomment. Il repose sur plusieurs piliers qui sont les branches du même arbre.
1.Des moyens d'information étatiques (presse, radios, télévisions) contrôlés, mis au pas, surveillés ;
2.Une presse partisane essentiellement d'endoctrinement et de propagande (le Renouveau, Al Hurriya) ;
3.Une presse privée domestiquée, satellisée, corrompue et, dans certains cas, infiltrée;
4.Une presse « indépendante » contrôlée, opprimée, tenue par le chantage à la publicité, les menaces et la corruption ;
5.Une presse privée « auxiliaire » du système, financée par les deniers publics détournés, dressée contre toutes les oppositions, libre d'insulter, de diffamer les personnalités libres de la nation ;
6. Une Agence tunisienne de la communication extérieure (ATCE) destinée à contrôler et corrompre les plumes étrangères, à surveiller les équipes journalistiques qui opèrent dans le pays, mais aussi à corrompre des plumes tunisiennes et à pratiquer le chantage à la publicité dont elle avait la charge ;
7.Des équipes de communication, au sein des ministères, des offices et des grandes institutions de l'Etat dont la fonction essentielle était de désinformer le public, de pratiquer, autant que faire se peut, la rétention de l'information.
8.Une police politique associée à une « milice intellectuelle » dont le rôle était de surveiller, d'intimider, d'orchestrer les campagnes de dénigrement, d'agresser physiquement parfois les plumes libres.
Ces huit piliers du système – il y en a peut-être d'autres qui m'échappent ! – étaient tenus par un centre de pouvoir occulte au Palais de Carthage. Le simple fait de citer ces paramètres montre la complexité de la tâche pour ceux qui se proposent de réformer le système tant est grande l'imbrication du journalistique, du politique, du sécuritaire et des pouvoirs occultes.

Ethique du changement

Les réformes nécessaires au niveau de la presse et de l'audiovisuel ne peuvent être envisagées en dehors du consensus national qui a présidé jusqu'ici le période de transition. Ce consensus a reposé, dès la fuite de Ben Ali, sur des principes partagés : démocratisation de l'espace politique et social, séparation du parti et de l'Etat, dissolution du RCD et mise à l'écart des dirigeants rcdistes des rouages de l'Etat et constitution d'une équipe gouvernementale non-partisane et « indépendante ». C'est sur la base de ces principes que les institutions de la période transitoire ont été fondées : Haute instance de Y. Ben Achour(réformes politiques), Commission de feu A. Omar (corruption), commission de Me Bouderbala (atteinte aux droits), l'ISIE de K. Jendoubi (élections) et l'INRIC de Kamal Labidi (réforme de l'information).
Le nouveau gouvernement issu de l'élection de l'Assemblée Nationale Constituante n'a pu voir le jour que grâce aux décrets et décisions prises par ces instances : des élections libres ont été organisées, des malfaiteurs et des mafieux ont été écroués, des biens mal acquis ont été saisis et restitués à l'Etat. Des hauts cadres, des gouverneurs, des délégués, des équipes municipales provisoires, tous nouvellement désignés, ont permis de maintenir opérationnelles les structures de l'Etat qui ont été remises au gouvernement de la Troïka.
Ce même gouvernement ne peut nier qu'il a bénéficié de ce système consensuel, même jugé imparfait par certains. Pour quelles raisons veut-il tourner le dos au consensus national quand il s'agit de réformer le système d'information hérité de l'ancien régime ? Pourquoi vouloir reproduire le système de Ben Ali par la nomination de personnalités qui ont participé, de près ou de loin, au bâillonnement de l'information libre ?
La cohérence politique, celle du consensus national de la transition démocratique, dans laquelle nous sommes encore, veut que la seule légitimité soit celle imposée par la situation révolutionnaire. L'unique légitimité des urnes va aux seuls élus de la nation, les membres de la Constituante. La Présidence de la République et celle du Gouvernement sont des émanations de l'ANC, et relèvent encore des principes de la transition démocratique. S'écarter de ce consensus, c'est s'écarter des objectifs de la Révolution, et risquer de mettre sa légitimité en jeu. Tout le monde aura compris que le sujet de l'information est hautement politique. Le « réveil » de la profession, des acteurs de la société civile et de certains partis démocratiques a été salutaire dans le combat pour la liberté d'informer.
De quoi s'agit-il, au fait, dans ce tollé quasi général contre les nominations primoministérielles dans le secteur de l'information ? S'agit-il d'une querelle politicienne ? Y a-t-il là les doigts des manipulateurs de l'ancien régime ? Est-ce là la trace des forces contre-révolutionnaires ? Il s'agit tout simplement du droit des citoyens à être informés de ce que font les gouvernants. Par la grâce de la Révolution ce droit est devenu inaliénable. En démocratie, le gouvernement n'existe que par la volonté et l'accord des gouvernés. Ces derniers ont consenti à un système démocratique transitoire consensuel, ils ont élus des représentants, des Constituants pour rédiger une Constitution démocratique. Le mandat électif n'a inclus ni l'union avec la Libye, ni des changements de positionnement stratégique du pays, ni la vente des palais présidentiels, ni le port de la Burqa, ni la mise au pas de la presse. Concernant ces décisions importantes qui mettent en jeu la vie future de la nation, les citoyens n'ont été ni consultés ni préalablement informés. Le pouvoir a fonctionné, pour ceux qui l'exercent, comme un prisme déformant. Tout le monde semble oublier que nous sommes dans un contexte démocratique postrévolutionnaire dans lequel le droit à une information libre est consubstantiel à l'émancipation de l'individu citoyen par la Révolution de 2011.
J'aimerais introduire pour ceux de nos lecteurs qui ne le savent pas la parole d'un sage, à méditer longuement. Lors de la rédaction de la Déclaration d'indépendance américaine, Thomas Jefferson, un des pères de la nation américaine, a dit : « Si l'on me donnait à choisir entre un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n'hésiterais pas un moment à préférer cette dernière formule.» Ces paroles ne sont pas celles d'un vulgaire anarchiste, elles ont été tenues par celui qui deviendra, pour deux mandats successifs, le troisième président de ce qui deviendra la première superpuissance du monde.

Un peuple informé est un peuple libre

Un peuple informé, qui a la capacité d'acquérir l'information et le savoir, est un peuple libre. Un gouvernement populaire qui soustrait l'information au peuple risque de mener le pays à une tragédie. Si la presse doit servir les gouvernés et non les gouvernants, en mettant sur la place publique les informations nécessaires pour se faire une idée, la plus juste possible, des affaires de la cité et se constituer ainsi une conscience citoyenne. Il est donc primordial que les uns et les autres, dans cette période de transition, respectent le droit de chacun à la libre expression, le droit à une presse libre et à des moyens d'information indépendants, respectueux de la déontologie définie par les règles internationales en la matière.
Il est tout aussi nécessaire de confirmer, dans la prochaine Constitution, les droits constitutionnels de liberté d'expression, d'association et de la presse. Car ce sont les conditions indispensables à un débat public libre auquel le gouvernement aura à s'ouvrir pour mesurer, à chaque instant, la volonté populaire qui fonde sa légitimité. Ce sont là les conditions de la sécurité de la République et du fondement d'un gouvernement constitutionnel.
Tous les Tunisiens savent que ce sont les gouvernements successifs depuis l'indépendance en 1956 qui ont muselé la presse, domestiqué les organes d'information pour ôter aux citoyens la possibilité de savoir ce qui se tramait en leur nom.
Aujourd'hui, dans un pays en révolution, la mission de tous les Constituants, sans exception, est de se souvenir des années de braise, de ne pas oublier que l'information muselée a été la pierre angulaire du système d'oppression de la dictature que le peuple a abattue. Il est de leur devoir vis-à-vis des citoyens qui les ont élus de mettre en place les règles immuables qui empêcheront n'importe quel gouvernement ou quel corps constitué de pervertir la première des libertés, la liberté de la presse. Il est aussi du devoir des journalistes et des acteurs du milieu des médias de comprendre qu'une réforme d'une telle ampleur ne se fait pas contre mais avec ceux et celles qui ont la charge de l'Etat, espérons-le avec leur soutien, dans un esprit de cordialité démocratique.
Méditons le génie d'un peuple, qui nous a précédés en matière de révolution, et qui s'est libéré de l'oppression. Regardons ce que les premiers Américains libres ont voulu pour eux-mêmes. Par le premier amendement à la Constitution américaine, ils ont interdits à ceux qui rédigent les lois – donc à ceux qui les représentent au Congrès – de limiter leur liberté. Ils ont donné au pouvoir judiciaire l'autorité de préserver et de défendre la liberté d'expression contre tout abus.
« Le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet d'établir une religion ou d'en interdire le libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit de s'assembler pacifiquement et de présenter des pétitions au gouvernement pour qu'il mette fin aux abus. »
Il est utile, par ces temps incertains, de relire ce texte fondamental, dans l'espoir qu'il puisse inspirer nos Constituants.
sihem


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