A la veille de la célébration de la journée internationale de lutte contre la corruption, le 9 décembre, pour la première fois en Tunisie, un Forum international sur la mise en place d'un cadre institutionnel de prévention et de lutte contre la corruption, en Tunisie, s'est tenu, ce mardi 6 décembre 2011, à Gammarth, à l'initiative de plusieurs partenaires dont notamment le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Etalée sur deux jours, la conférence réunissait une pléiade de compétences et d'experts de très haut niveau de Tunisie et de plusieurs autres pays. Son organisation entre dans le cadre de l'assistance fournie par le PNUD en vue d'aider la Tunisie à réussir sa transition démocratique, après la Révolution du 14 janvier, contre l'ancien régime corrompu de Ben Ali. Dans le sillage de son soulèvement populaire contre l'ancien régime, la Tunisie s'était doté d'une Commission nationale d'investigation sur les actes de malversation et de corruption commis durant la période précédente afin de juger leurs auteurs. Cette Commission a accompli sa mission et son mandat a pris fin avec l'élection de l'Assemblée nationale constituante, le 23 octobre dernier. Mais, le décret loi du 18 février 2011 relatif à la création de cette Commission, avait chargée cette même Commission de faire la lumière sur les affaires de malversation et de corruption remontant à la période précédente ainsi que de présenter des propositions concernant les voies et moyens à mettre en œuvre, à l'avenir, pour la prévention de la corruption, en Tunisie, de manière à éviter sa réapparition. D'ores et déjà et sur proposition de la même Commission, il a été décidé de mettre en place une Instance nationale permanente de prévention et de lutte contre la corruption et la malversation, en Tunisie. Cependant, il reste à définir les attributions de cette Instance, sa composition, ses méthodes de travail et ses domaines d'intervention. A l'instar de la Commission nationale d'investigation sur la corruption et la malversation dont le mandat s'est achevé, les autres structures de contrôle en place depuis les périodes précédentes, comme la Cour des comptes, interviennent seulement à l'échelle des institutions de l'Etat et des entreprises et établissements publics, alors que le secteur privé n'est pas couvert par ce genre de contrôle. Or, comme l'a dit M. Mohamed Belhocine, représentant résident du PNUD en Tunisie, à la séance d'ouverture du Forum, la corruption entrave le développement politique, économique et social et a des effets néfastes particulièrement sur les couches pauvres de la société, ajoutant qu'elle prospère dans les environnements de faible gouvernance et de monopole du pouvoir. Il a affirmé la disposition du PNUD à aider les Etats qui le demandent, à mettre en œuvre des stratégies de prévention et de lutte contre la corruption, se félicitant que la Tunisie célèbre pour la première, ce 9 décembre, grâce à la Révolution, la Journée internationale de lutte contre la corruption. ''Il y a un lien étroit entre le cri des jeunes révolutionnaires tunisiens appelant à la consécration de la dignité et de la liberté et la lutte contre la corruption et la malversation, a-t-il souligné. Action de longue haleine M. Abdelfattah Amor, président de la Commission nationale d'investigation sur la malversation et la corruption sous l'ancien régime, a indiqué que ce qu'avait fait cette Commission est important, mais qu'il reste beaucoup à faire pour éradiquer la corruption en Tunisie. ‘' Nous sommes loin d'avoir découvert toute la vérité à ce sujet, car , outre les institutions de l'Etat et les entreprises publiques, des pans entiers de la société tunisienne ont été touchés par ce fléau sous l'ancien régime, a-t-il indiqué, plaidant pour une justice transitionnelle et d'autres mécanismes et procédures plus efficaces afin de juger les auteurs des délits de corruption et de malversation durant la précédente période, avec la célérité requise. Selon lui, l'éradication de ce fléau exige d'éviter l'impunité pour les coupables. Il a mis l'accent sur la nécessité de modifier les législations et les réglementations marquées par des pouvoirs discrétionnaires de nature à conduire à l'arbitraire, en mettant en place des garde-fous et des mécanismes adéquats pour la prévention de la corruption et la malversation, à l'instar de l'Instance nationale permanente de lutte contre la corruption qu'il faudra doter de ramifications régionales et sectorielles afin qu'elle remplisse au mieux son rôle. La société civile, à travers les partis politiques, les associations, et les ONG, ainsi que les médias ont été appelés à apporter leur contribution, dans ce domaine, notamment en matière d'éducation et de sensibilisation des citoyens aux dangers de la corruption. Le premier président de la Cour des comptes, Mr Abdelkader Skolli, a plaidé pour l'indépendance de la Cour des comptes, au niveau des magistrats qui y exercent et de l'institution en elle-même afin de conférer davantage d'efficacité à son travail de contrôle concernant l'utilisation des finances et des deniers publics. Les textes de lois qui régissent la Cour des comptes stipulent que son président est nommé et démis par le pouvoir exécutif, en l'occurrence le gouvernement. Il a noté qu'en 2011, grâce à la Révolution, les rapports de la Cour des comptes ont été rendu publics et porté à la connaissance des citoyens qui les ont appréciés. Cependant, sous l'ancien régime, les résultats du travail de la Cour des comptes n'étaient pas suivis d'effets, ni pris en considération et s'il avait été le cas, la corruption n'aurait pas atteint, en Tunisie, l'ampleur qu'on connait maintenant, a dit le premier président de la Cour des comptes. Il a soulevé, aussi, la question de la restriction du travail des structures de contrôle, comme la Cour des comptes, aux institutions de l'Etat et aux entreprises publiques, tandis que le secteur privé échappe à ce contrôle. L'accent a été mis, par ailleurs, sur l'importance d'assurer la complémentarité et la coordination entre les diverses structures chargées du contrôle et de la dénonciation de la corruption. Le thème du Forum est justement intitulé comme suit : ‘'Vision nationale de lutte contre la corruption, une complémentarité active entre les acteurs''. Il existe, en outre, des outils et des instruments de mesure du phénomène de la corruption qu'il importe d'adopter et d'introduire en Tunisie, pour assurer, à l'avenir, une meilleure prévention de la corruption, à défaut d'une totale éradication. Salhar BEN HAMADI