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Métiers " d'enfer "
Monde du travail
Publié dans Le Temps le 05 - 07 - 2009

L'été tunisien est dans son ensemble très chaud. Sur les trois mois qu'il dure, nous passons au moins 90 jours sous une chaleur qui dépasse en moyenne les 38 degrés à l'ombre. C'est dans une telle fournaise que de nombreux citoyens exercent leur métier et s'exposent quotidiennement et pendant de longues heures au soleil brûlant sans autre protection parfois qu'un modeste couvre-chef.
D'autres travaillent à l'ombre mais devant des fours ou des engins qui dégagent une chaleur de plus de 200 degrés. Ces conditions inhumaines ne sont pas que " saisonnières " et comportent des risques réels sur la santé et la vie des personnes qui y travaillent. Les employeurs en tiennent rarement compte et n'assurent pas toujours la protection adéquate à leurs ouvriers. Dans les salaires de ces derniers, il n'existe aucune prime qui récompense les sacrifices consentis en hiver ou en été face aux dures conditions climatiques. Les syndicats eux-mêmes n'en font pas une priorité et renoncent à plusieurs droits des ouvriers pour leur conserver leurs postes. Le tableau que nous ont dressé quelques-uns de leurs conditions de travail est accablant tout autant pour ceux qui les emploient que pour ceux qui prétendent les défendre.
Dur, dur
Ali Ben Moussa travaille depuis 31 ans dans une boulangerie d'El Ouardia. Dès potron-minet et parfois avant même le lever du jour, il passe au four des milliers de pains et s'expose à chaque fournée aux souffles ardents du foyer. " Vous savez, mine de rien, ce four de taille moyenne dégage une chaleur de 260 degrés. Mais ce n'est pas là le risque le plus grave auquel je m'expose, on s'habitue à tout pour assurer le pain de ses enfants, mais le brasier incandescent sur lequel je travaille a altéré ma vue et regardez par vous-mêmes comment je clignote à la moindre lumière forte. Le médecin m'a prescrit des lunettes mais je ne les chausse pas au travail. Il en faut d'autres plus appropriées au genre de métier que je fais. Mon patron me traite convenablement mais je ne lui ai jamais parlé de cette protection pourtant essentielle. Concernant la chaleur ambiante à l'intérieur de l'atelier, elle m'est devenue supportable avec le temps. Avant, je travaillais dans une boulangerie traditionnelle et là c'était vraiment l'enfer. Avec les nouveaux fours électriques, on souffre moins de la chaleur, mais j'ai constaté que les jeunes apprentis que nous engageons sont trop fragiles pour de telles conditions relativement clémentes. Au bout de quelques jours, ils me faussent compagnie sans même demander leur dû. Ils préfèrent le chômage à notre fournaise. Moi, je me suis vite adapté au métier et à ses risques parce que j'avais des bouches à nourrir et je n'étais bon à rien d'autre. Aujourd'hui, je gagne bien ma vie, mais à chaque mois de Ramadan je souffre le martyre ici. Faire le jeûne par plus de 40 degrés à l'intérieur de l'atelier et pendant les canicules d'été, c'est un vrai supplice. Je ne peux pas toujours me permettre de prendre un congé pendant le mois saint, c'est difficile de trouver quelqu'un pour me remplacer. C'est pour de bon la période la plus pénible de l'année pour nous autres artisans boulangers. "
Fragiles, s'abstenir !
Mokhtar et Samir Ayari sont dans le bâtiment ; lorsque nous les avons rencontrés, ils étaient sur leur chantier en train d'ériger les murs d'une construction de particulier. A 39 degrés à l'ombre, pas un d'eux ne mettait de casquette ni quoi que ce soit sur la tête : " On a vu pire ! Quand on choisit un métier comme le nôtre, il faut se préparer à tous les aléas dont justement le froid glacial et la canicule. Nous sommes originaires de Mokthar où il fait doux en été en raison de la hauteur du site, mais là-bas, c'est le chômage 10 mois sur douze. Nous acceptons donc de travailler partout et par n'importe quel temps. Le risque existe en effet qu'on finisse par payer parfois de sa vie cette exposition prolongée au soleil, mais nous n'avons pas le choix. Samir s'est une fois évanoui à cause de ça. Alors, il a préféré changer de métier mais il est vite revenu parmi nous et aujourd'hui, nous lui épargnons toutes les tâches trop pénibles parce que c'est le plus fragile de nous tous. Dans ce métier, les accidents dus à la canicule sont fréquents et pas plus tard que la semaine dernière, un cousin à nous deux a perdu connaissance sur un chantier de Borj Cedria. A l'hôpital, on lui a prescrit du repos et le médecin lui a conseillé de faire autre chose. En ce moment, il est au bled, mais je suis sûr que syncope ou pas syncope, il reprendra le même travail très bientôt. "
Et pourtant, on laisse faire
Jamel est aujourd'hui à la retraite après avoir travaillé pendant de longues années dans la forge d'une grande usine nationale. Cela lui a valu de sortir avec une incapacité physique relative. " Nous travaillions en équipes et nous nous relayions pour les travaux à accomplir devant le fourneau. Cela a duré près de 30 ans pour mon cas et je m'estime heureux d'avoir échappé à des accidents graves au cours de cette période. Pour vous dire la vérité, la protection que nous dispensait l'administration des ateliers était très insuffisante. Les ouvriers qui se brûlaient un membre ou une partie du corps se comptaient par dizaines ou plus, je n'ai pas de statistiques fiables, mais je me rappelle le cas de plusieurs accidentés qui ont demandé à être muté dans un autre service après avoir subi quelques brûlures superficielles. Moi, j'ai perdu deux doigts comme vous voyez ! Donc ce n'est pas la chaleur qui dérange dans notre métier, mais le danger que celui-ci présente sur notre santé et notre vie. Sachez que dans certaines usines du pays, des gens travaillent quotidiennement devant des fours qui irradient des émanations chimiques cancérigènes. Je connais l'un d'eux puisque c'est un parent à moi, qui a subi un long traitement chimiothérapique avant de décéder il y a quelque temps. Son épouse et ses enfants n'ont reçu qu'une faible indemnisation et de son vivant ce proche ne touchait pas de prime de risque élevée ni ne travaillait dans des conditions de sécurité adéquates. Voilà le véritable danger : travailler dans une atmosphère torride reste humainement possible, encore faut-il protéger ses employés contre les risques mortels comme celui dont je vous parlais. On parle trop dans les médias de la prévention des accidents de travail, mais il faut vérifier sur le lieu de travail si les discours des officiels ne restent pas lettres mortes ! Sur un champ de tomates, d'oignons ou de pastèques, quelle protection garantit-on aux ouvriers et ouvrières qui font la récolte sous un soleil de plomb ? Aucune et pourtant on laisse faire !


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