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Nawel Ben Kraïem, l'artiste hybride dévoile ses identités multiples
Publié dans Le Temps le 22 - 09 - 2020

Après un début de carrière en indépendante, la chanteuse franco-tunisienne Nawel Ben Kraïem signe un nouvel album, ‘'Délivrance'', où elle explore en musique et en poésie ses identités multiples.
Une voix rocailleuse envoutante, des mélodies accrocheuses, un soupçon d'électro, et des sonorités nord-africaines, c'est la recette de Nawel Ben Kraïem pour nous faire voyager dans son monde.
Vous êtes tunisienne où vous avez grandi jusqu'à vos seize ans, avant d'arriver en France, avec votre famille. Comment s'est passée votre enfance en Tunisie ?
Mon enfance s'est passée dans une famille de la classe moyenne tunisienne sous Ben Ali. Mes parents étaient tous les deux dans la fonction publique, et viennent de régions plutôt rurales. J'ai grandi à Tunis, dans une ambiance plutôt ouverte sur les livres, le militantisme. Il y avait une espèce de conscience post-Bourguiba de gauche dans ma famille. Mon père était prof, et pensait que l'instruction était très importante. C'était le seul de sa fratrie à ne pas être berger. Chez lui, il y avait l'idée que la culture était primordiale, du coup même si le milieu artistique lui semblait être tout autre monde, on a exercé une activité artistique le mercredi après-midi.
C'est donc de cette manière-là que vous avez commencé le théâtre ?
Oui, à côté de mon école, se trouvait un atelier de théâtre où je suis allée très tôt. Ça a été mon premier coup de cœur, ma première rencontre avec une pratique artistique. C'était aussi une question de sensibilité, de nature. Contrairement à certains de mes cousins par exemple, j'évoluais en ville, dans un environnement familial qui nous poussait à cela. C'est vrai qu'à l'époque, c'était vraiment le théâtre qui me motivait, pas vraiment la musique.
Comment les choses se sont-elles passées à Paris ?
J'ai d'abord voulu refaire du théâtre mais je n'ai pas trouvé de structure aussi agréable qu'à Tunis. Là-bas, tout y est à l'échelle humaine, les cours de théâtre sont plus collectifs, militants presque. À Paris, dans ce milieu, même en amateur, les gens ont tous des objectifs de carrière. Je ne m'y plaisais pas. En revanche, même si je ne m'imaginais pas en chanteuse, j'aimais bien chanter chez moi. Il y avait une guitare chez mes parents, que je gratouillais déjà un peu à Tunis, comme beaucoup de gens le font, mais sans plus. J'aimais bien chanter, écrire. Alors j'ai voulu monter un groupe de musique, à Paris. J'ai mis des petites annonces un peu partout. Je faisais un mélange de Slam, de poésie, avec un peu de chant.
Vos textes abordent surtout le thème de l'identité, des identités même, et de l'exil, tout en y mettant une touche d'espoir. C'était pour rééquilibrer le propos ?
Déjà, oui, parler de mon identité, de mes identités, comme tu le dis, c'est primordial pour moi, c'est mon point de départ. Je me sens plus à l'aise pour aborder ce sujet, et pour comprendre toutes les projections autour que l'on peut rencontrer. Ça peut être mon identité en tant que femme arabe, mon identité en tant qu'artiste.
Ensuite, l'exil est en creux dans l'identité pour moi. L'identité n'est pas figée. Que ce soit un déplacement métaphorique dans la poésie, quand on se questionne, ou qu'on change de culture et qu'on se heurte à d'autres codes, d'autres projections, c'est ce déplacement qui nous fait nous sentir seul, ou nous sentir ensemble. Ce mouvement est présent, cet exil au sens propre ou figuré est clairement relié à cette question d'identité. La charge d'espoir dans mes textes est aussi forte que le constat est lucide et dur. Si j'ai tant besoin de parler des identités et de les questionner, c'est parce que je les sens malmenées. L'ambiance actuelle n'est pas du tout apaisée ni sereine, j'ai clairement besoin d'en parler. Il y a un sentiment profond que les identités vont mal et je ne peux pas m'arrêter à ce constat là, sinon je n'aurais pas l'énergie pour prendre la parole. Ne serait-ce que le poétiser, le sublimer, c'est trouver un sens à ce constat, se dire que des gens vont pouvoir le comprendre, qu'il trouvera un écho chez les autres. Il y a autant d'ombres que de lumières.
Être une femme et être auteure-compositrice-interprète, c'est aussi être là où on ne vous attend pas. Comment vivez-vous cette situation ?
J'ai mis du temps à m'affirmer, à avoir confiance en moi, je doutais de ma légitimité. Je ne l'intellectualisais pas forcément mais je réalisais que je n'étais nulle part à ma place. Par exemple, quand j'ai voulu faire du théâtre ici, j'ai eu une agent artistique, qui m'a expliqué qu'il fallait que je me teigne en brune ou que je change de prénom. C'est là que j'ai compris qu'on attend d'une femme arabe qu'elle corresponde à un certain stéréotype, du genre petite brunette qui a un accent de banlieue.
Il fallait correspondre à cela et accepter d'y rester bien gentiment. Il ne s'agissait pas de faire bouger les lignes, de montrer qu'il y avait d'autres visages, profils, des gens plus ou moins populaires, plus ou moins littéraires. Il y a des banlieusards qui aiment la poésie. On peut être multiples. Mais là, on préférait nous figer dans une petite case, et si on n'y rentre pas, ça devient compliqué. Comme c'est un métier d'image, j'ai senti tout de suite qu'il aurait été plus facile pour moi de coller au stéréotype. C'est un peu violent, ce sont des rencontres qui empêchent d'avancer et de grandir.
Après, effectivement parfois en studio, on ne réalise pas tout de suite que je suis auteure, compositeur, interprète. C'est un métier d'hommes, du coup, on va vouloir parfois réécrire mes textes. On m'a demandé mille fois pourquoi je ne faisais pas The Voice aussi. Je ne suis pas certaine d'être une assez bonne interprète. Moi, mon kiff c'est d'explorer mes mots, mes mélodies. C'est vraiment différent. Mais c'est plus facile pour certains de m'imaginer interprète, faisant vibrer les gens aux sons de grandes musiques déjà composées par le talent des autres, que quelqu'un de fort, qui porte sa propre créativité. Je ne suis pas une marionnette dans les mains d'autres personnes. C'est moi qui anime ma propre marionnette. Et ce sont mes mots, pas moi. Ça raconte quelque chose de ce monde. C'est facile d'imaginer une femme comme une marionnette et pas comme quelqu'un qui contrôle.
Quels sont vos coups de coeur du moment ?
Je viens de découvrir l'auteure Toni Morrison et j'ai lu Délivrance. Ça aborde le thème de la domination sociale et aussi la domination personnelle. Le parcours intime y est décrit, c'est passionnant, superbement écrit. Je l'ai dévoré. J'adore lire dès que je peux, j'ai aussi beaucoup aimé le dernier roman d'une auteure que j'apprécie particulièrement, Trois filles d'Eve d'Elif Shafak. J'aime aussi quand il y a une petite dimension presque policière, avec une intrigue hyper construite. Pour la musique, il y a aussi un album entre le Flamenco, et la musique actuelle que j'écoute souvent en ce moment, c'est celui de la chanteuse Rosalia.
B.K


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