Les troubles de la santé mentale constituent un lourd fardeau pour la santé publique à travers le monde et représentent la 2ème cause de morbi-mortalité dans les pays en développement. En Tunisie les troubles psychiatriques sont responsables d'une charge de morbidité importante engendrant des coûts socioéconomiques lourds à assumer pour la société et constituent de ce fait une priorité nationale. Les Tunisiens sont –ils heureux ? Selon le dernier rapport (World Happiness Report 2017) de l'OCDE, qui classe les pays en fonction du degré de bonheur de leurs citoyens, le pays se positionne au 102ème rang mondial alors que le voisin algérien occupe la 53ème place et le Maroc, la 84ème . « Les maladies mentales, leurs symptômes et leurs causes, sont très divers, indique le psychiatre Taieb Ghodhbane qui précise que la maladie mentale se définit par des changements qui affectent la pensée, l'humeur ou le comportement d'une personne, et qui lui causent de la détresse ou de la souffrance. La maladie mentale se manifeste par :des signes de changement, que l'entourage peut observer dans le comportement de la personne atteinte et des symptômes, que ressent la personne elle-même. Il existe de nombreuses façons de classer ces maladies. On peut les regrouper en fonction de leurs symptômes, ou de la partie du corps qu'elles affectent. On peut aussi les classer selon leurs causes, qui sont multiples. On décèle schématiquement deux groupes de maladies mentales : les maladies sévères et rares comme les psychoses dont la schizophrénie, les troubles bipolaires et les maladies moins sévères et les plus fréquentes tels les troubles anxieux, dont le trouble panique, le trouble obsessionnel compulsif, la dépression et les troubles de la personnalité 98% des congés de longue durée dans la fonction publique sont liés à des maladies psychiatriques Les maladies mentales touchent 1 personne sur 5 et elles seront la 1ère cause mondiale de handicap dès 2020, selon l'Organisation mondiale de la santé(OMS) . Leur prise en charge est souvent très tardive alors que les cinq premières années de la maladie sont une phase critique au cours de laquelle les réponses au traitement sont les meilleures et les chances de rémission les plus grandes. En Tunisie, 98% des congés de longue durée dans la fonction publique sont liés à des maladies psychiatriques et font perdre à l'Etat, 172 000 journées de travail par an. C'est l'équivalent de 4,6 millions de dinars de pertes par an, selon une enquête d'investigation publiée en janvier 2017. Dr Ghodhbane estime que « L'observance des traitements médicaux par les patients, notamment ceux atteints de maladies chroniques, constitue un problème de santé publique majeur. Les industriels du médicament s'efforcent d'améliorer sans cesse les modes de prise des médicaments et le suivi des traitements. Les traitements permettent aux personnes atteintes de reprendre le contrôle sur leur vie et leurs activités quotidiennes. Plus la personne atteinte consulte tôt, plus elle se rétablira rapidement. Dans la majorité des cas, la maladie mentale se traite très efficacement par une psychothérapie, par des médicaments, ou par une combinaison de ces 2 traitements. Les médicaments sont utilisés à des doses différentes selon chaque maladie. Les médicaments antipsychotiques ont prouvé être essentiels pour soulager les symptômes psychotiques de schizophrénie et les psychoses (hallucinations et délires). Les antidépresseurs sont des médicaments qui soulagent les symptômes de la dépression. Les stabilisateurs de l'humeur peuvent également être utilisés chez les patients souffrant de manie, d'hypomanie et de dépression et du trouble bipolaire alors que les anxiolytiques sont très efficaces contre le stress, l'angoisse, l'insomnie.» « A l'instar des maladies chroniques "classiques", ajoute-t-il, une prise en charge adaptée et précoce des maladies mentales améliore considérablement le pronostic ainsi que la qualité de vie des patients souffrant de troubles psychiatriques. Piliers d'une politique active de prévention, la précocité du dépistage et du diagnostic constituent des préalables indispensables. Certaines thérapies comportementales et cognitives (TCC) préconisent l'apprentissage de nouveaux comportements et l'acquisition de nouvelles manières de penser afin de régler un problème précis et ponctuel. Les thérapies comportementales sont indiquées pour les personnes désirant vaincre le trac, améliorer un comportement...» Traitant du rôle de l'activité physique, Dr Ghodhbane estime que « les thérapies corporelles permettent de se libérer des tensions, du stress et de l'angoisses en passant par le corps. L'exercice physique, la marche, les randonnées, proposent de modifier la relation que l'individu a avec lui-même en s'adressant à son corps. Ces thérapies corporelles sont indiquées pour les personnes stressées et anxieuses. Un minimum d'activité physique peut alléger les symptômes. Quand on souffre de dépression, faire du sport peut être la dernière chose à laquelle on pense, pourtant le sport peut vous aider à sortir de l'inertie de la déprime. L'exercice physique doux est préconisé pour la femme alors qu'il doit être intensif pour l'homme . 30 minutes d'exercice par jour pendant trois à cinq jours par semaine permettent d'améliorer les symptômes d'une dépression de façon significative. Mais même 10 à 15 minutes d'exercice quotidien permettent d'améliorer l'humeur à court terme. Le sport permettrait d'augmenter le niveau de certains neurotransmetteurs présents dans le cerveau qui sont chargés de nous mettre de bonne humeur. Il permet aussi de libérer des endorphines et de relâcher la tension musculaire, de mieux dormir et de réduire le niveau de stress. Enfin, le sport permet d'augmenter la température corporelle, ce qui peut avoir des effets apaisants. Tous ces changements permettent de combattre les symptômes de la tristesse, l'anxiété, l'irritabilité, le stress, la fatigue, la colère et le manque d'estime de soi. » « Il faudrait aussi adopter une bonne hygiène de vie, préconise-t-il encore. L'alimentation joue un rôle de premier plan. Une bonne santé mentale et physique passe par l'absorption de produits riches en vitamines L'équilibre nutritionnel permet d'apporter plaisir et sérénité. Une alimentation équilibrée assure la production adéquate de neurotransmetteurs. » Le Dr Ghodhbane affirme que la baisse de l'activité sexuelle peut dériver elle aussi sur des profonds états de dépression. « Certaines personnes avec des dysfonctionnements sexuels non exprimés peuvent faire l'expérience de souffrir de désespoir, de sentiment d'impuissance et d'un niveau d'angoisse si intense qu'elles en tombent en dépression. C'est aussi pour cela qu'il est très important de ne pas se laisser aller, et essayer de résoudre ces problèmes sexuels le plus vite possible, avant que les premiers signes n'apparaissent. » Notre psychiatre appelle finalement à sortir et à voyager « Les voyages sont dépaysant, avoue-t-il car ils vous exposent à de nouveaux stimuli et permettent de faire davantage d'associations mentales. Il est possible de voir notre vie sous un jour différent lorsque nous sommes à des milliers de kilomètres de chez nous. Ces nouvelles associations mentales sont sources de nouvelles perspectives. Les voyages nous mettent en contact avec des conceptions différentes qui éveillent l'imagination et stimulent la réflexion. Cette expérience peut assouplir les habitudes cognitives rigides qui, peut-être, nous empêchent d'avancer. De nouvelles avenues s'ouvrent, et le monde semble de nouveau offrir des possibilités sans fin.» Tout comme le physique, un mental au beau fixe est quelque chose qui se travaille petit à petit. Dr Ghodhbane devait conclure : « Il s'agit de travailler votre état d'esprit de la même manière que si vous travailliez vos abdominaux lors d'une activité sportive : à travers de petits exercices et gestes appliqués au quotidien qui viendront vous aider à vous sentir bien, jour après jour.