Palmarès des Comar d'Or 2024    2 pays arabe dans le classement mondial de la consommation de thé par habitant en 2022    Tunisie – La migration clandestine au centre d'un entretien entre Nabil Ammar et son homologue Gabonais    28e édition des Prix littéraires COMAR D'Or 2023-2024 : Les prix décernés aux meilleurs auteurs    Des spécialistes mettent en garde contre les idées promues par des formateurs en développement personnel    Prix Khalifa pour l'éducation 2024 : Une tunisienne récompensée    Tunisie – La Marsa : Evacuation manu militari du complexe des jeunes squatté par les subsahariens    Tunisie – Nabeul : Démantèlement d'un réseau d'organisateurs d'opérations de migration clandestine    Transport - Sarra Zaâfrani Zenzri appelle à assurer la préparation de la saison estivale    Mobilisation étudiante mondiale croissante : Situation pays par pays    Ligue 1 pro (play-offs et play-out) : résultats des matches du samedi et classements    L'AMT dénonce des pratiques visant à restreindre ses activités    Hyundai Tunisie organise sa convention réseau 2024 sous le slogan « S'agrandir pour couvrir, s'unir pour mieux servir »    Sousse: Arrestation d'une femme faisant l'objet de 95 avis de recherche    Le chef de l'ONU "choqué par le nombre de journalistes tués" à G-a-z-a    Korba: Les producteurs de pommes de terre lancent un cri d'alarme [Vidéo]    Brief régional de la semaine du 26 avril au 03 mai 2024: Près de 500 migrants subsahariens évacués d'un immeuble à Sfax    FAJ: Les journalistes africains exigent de meilleures conditions et sécurité pour lutter contre la crise climatique    Pluies torrentielles dans le sud du Brésil: Au moins 37 morts    Journée nationale de la diplomatie : Défendre plus que jamais les intérêts nationaux    Forum économique Tuniso-Turc : Pour un partenariat gagnant-gagnant entre les entreprises tunisiennes et turques    Zarzis Smart Center-Université : De nouveaux liens s'établissent    Un juge menace les membres du conseil de discipline du collège de Bouficha    Médicaments : La pénurie, un enjeu de santé publique    Accidents de la route : Les dangers de la distraction au volant !    AVIS D'APPEL D'OFFRES N° 05/2024    Fatma Thabet Chiboub : le déficit énergétique est devenu un fardeau pour l'Etat    CONDOLEANCES : Feu Brahim HAMDI    Météo : Ciel clair à peu nuageux sur la plupart des régions    Le Pentagone commente l'entrée des forces russes dans une base américaine au Niger    Jalel Ben Tkaya et Zied Tlemcani font appel contre la décision de rejet de leurs listes : Un baroud d'honneur, pas plus    Anouar Ayed n'est plus l'entraîneur de l'ESS    Le taekwondoïste tunisien Khalil Jendoubi sacré meilleur sportif arabe pour la saison 2023-2024    La CAF dévoile les dates de la finale entre l'EST et Al Ahly    Prix FABA de littérature 2024 : ouverture de l'appel à candidature    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Section VR de GCFen : Un RDV fixe qui explore des histoires de drames et d'espoir en 2024    «La Quête de l'Espoir Sublime» de Héla Jenayah Tekali comme récit de voyage    Exécution du budget de l'Etat : le point sur les résultats provisoires à fin décembre 2023    La Tunisie veut protéger et sauver son patrimoine architectural avec une loi    Le CA reçoit le CSS ce dimanche : Le cœur à l'ouvrage...    Le CSS accroche l'EST dans son arène : Un premier pas important    En bref    USA : un campement d'étudiants dénonçant l'agression sioniste contre la Palestine démantelé    Les écoles et les entreprises ferment de nouveau aux Emirats    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    Palestine: Pour un simple statut d'observateur aux Nations Unies!    Adhésion de la Palestine à l'ONU: La Tunisie regrette l'échec du projet de résolution porté par l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Marzouki : La fonction ne risque pas de me transformer, c'est moi qui la transformerai
Publié dans Leaders le 18 - 12 - 2011

« Je serai un pont entre la France et la Tunisie, nous travaillerons cordialement mais je constate que les Français sont souvent ceux qui comprennent le moins le monde arabe, alors que ce devrait être le contraire. Les Français sont prisonniers d'une doxa au sujet de l'islam ». C'est ce qu'a affirmé le Dr Moncef Marzouki dans une interview accordée à notre confrère parisien Le Journal du Dimanche. Il ajoute : « Je n'ai pas besoin d'aller chercher ma légitimité à l'étranger…l'esprit colonial, c'est terminé».
« Les gens me préviennent : "Attention, la fonction va te transformer" dit-il. J'ai la prétention de penser que c'est moi qui vais transformer cette fonction ».

Interrogé sur ce qui peut le rapprocher de Rached Ghannouchi, il déclare : « Nous avons une histoire commune : nous sommes deux enfants pauvres du Sud, deux anciennes victimes de Bourguiba puis de Ben Ali, deux anciens exilés. Je prétends que j'ai aidé à rapprocher les islamistes de la démocratie et des droits de l'Homme ; eux m'ont influencé en me persuadant que vous ne pouvez pas réformer ce pays sans prendre en considération la religion et l'histoire. Mais pour les idées, je reste pétri par la culture rationaliste occidentale, celle des Lumières ; eux davantage par la culture traditionaliste religieuse ». Interview

Il y a moins d'un an, il était encore l'un des principaux opposants au régime. Après des années d'exil en France, Moncef Marzouki, 66 ans, est devenu lundi président de la République tunisienne. Avant-hier, dans le bureau occupé durant vingt-trois ans par Ben Ali, au cœur du sublime palais de Carthage, le nouveau chef de l'Etat, qui refuse toujours de porter la cravate, a reçu le JDD. À l'aube du premier anniversaire de l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid.
Le 18 janvier, vous rentriez d'exil, ce lundi 12 décembre, vous êtes devenu président de la République. Racontez-nous ces deux journées…


Elles font partie, avec la naissance de mes deux filles, des plus beaux jours de ma vie. À partir de 2004, j'ai tenté à trois reprises de rentrer en Tunisie. À chaque fois, on m'a empêché de respirer, on m'a mené une vie de chien. Le 18 janvier, cela faisait cinq ans que je n'étais pas revenu. Ce fut comme un rêve auquel j'avais fini par ne plus croire. J'ai dû me pincer pour y croire. Je savais que le régime de Ben Ali, qui s'était mis à dos toutes les couches sociales de la population, des islamistes aux militants des droits de l'homme et aux intellectuels, allait s'écrouler un jour, mais pas si vite. En réalité, Ben Ali avait accumulé autour de ce palais tant de bois mort qu'il a suffi d'une étincelle, venue de Sidi Bouzid, pour mettre fin à ce régime odieux. Une bande de malfrats gouvernait la Tunisie. Imaginez des mafieux de la Côte d'Azur ou Mesrine à l'Elysée : c'était ça, la Tunisie de Ben Ali, que les grandes puissances présentaient comme le sauveur de la démocratie…

«Pour la première fois, les islamistes acceptent la démocratie et les droits de l'Homme»

Les grandes puissances, à commencer par la France. Vous dites, au sujet de la France, que les bras vous en tombent. Pourquoi?


J'ai très peu apprécié des considérations culturalistes, pour ne pas dire racistes, formulées à Paris par certains, dont l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui se demande si l'Occident doit exporter sa démocratie. Comme si la démocratie était propre aux pays occidentaux. Je suis francophone et francophile, je serai un pont entre la France et la Tunisie, nous travaillerons cordialement mais je constate que les Français sont souvent ceux qui comprennent le moins le monde arabe, alors que ce devrait être le contraire. Les Français sont prisonniers d'une doxa au sujet de l'islam.

Vous réclamez que la Tunisie soit considérée par la France autrement que comme un "client" pour ses entreprises…


Oui, ça, c'est fini. Je ne suis pas comme Ben Ali, je suis un président légitime, je tire ma force du peuple. Je n'ai pas besoin d'aller chercher ma légitimité à l'étranger. Tous les régimes dictatoriaux du monde arabe avaient besoin de la légitimation du monde occidental pour exister. Ne serait-ce que parce qu'ils avaient planqué leur fric là-bas. Moi, je n'ai aucun compte en Suisse ou en France. Je suis désormais le président indépendant d'un pays indépendant. L'esprit colonial, c'est terminé. La révolution de janvier 2011 nous a donné la démocratie, la République et finalement l'indépendance.

Quel président serez-vous?


Je serai moi-même. Ce palais a été durant des décennies une forteresse, il deviendra une maison de verre ouverte à tout le monde. J'incarnerai la transparence. Ce palais, sous Ben Ali, était le temple de la corruption. Il était le plus grand commissariat du pays, il deviendra le domaine des droits de l'homme. J'ai décidé que tous les autres palais de Ben Ali seront vendus. Je racle les fonds de tiroir pour soigner les blessés de la révolution. Les gens me préviennent : "Attention, la fonction va te transformer." J'ai la prétention de penser que c'est moi qui vais transformer cette fonction.

Qu'est-ce qui rapproche Moncef Marzouki, ancien défenseur de la laïcité et des droits de l'Homme, de Rached
Ghannouchi, homme fort du parti islamiste Ennahda, vainqueur des dernières élections?


Nous avons une histoire commune : nous sommes deux enfants pauvres du Sud, deux anciennes victimes de Bourguiba puis de Ben Ali, deux anciens exilés. Je prétends que j'ai aidé à rapprocher les islamistes de la démocratie et des droits de l'Homme ; eux m'ont influencé en me persuadant que vous ne pouvez pas réformer ce pays sans prendre en considération la religion et l'histoire. Mais pour les idées, je reste pétri par la culture rationaliste occidentale, celle des Lumières ; eux davantage par la culture traditionaliste religieuse. Je ferai aussi de mon bureau un observatoire de toutes les violations des droits de l'homme et de la femme. Ce contrat de gouvernement que nous avons rédigé est un bon contrat. Pour la première fois, les islamistes acceptent la démocratie et les droits de l'homme. Les craintes à l'égard d'Ennahda sont absurdes. Ceux qui crient au loup sont soit de mauvaise foi, soit des ignorants.

Beaucoup craignent pourtant qu'à court terme, rien ne puisse résister à Ennahda…


Le temps montrera à quel point l'approche des Occidentaux est absurde. Notre société recèle une partie conservatrice et une autre moderne. L'expression politique du conservatisme, c'est l'islamisme. Vous avez des partis démocrates-chrétiens en Europe, nous avons un parti démocrate islamiste. Prétendre que nous avons vendu notre âme au diable en nous alliant aux islamistes relève du fantasme.

Les heurts à l'université de Tunis il y a deux semaines autour du port du niqab à l'intérieur de l'établissement, est-ce un fantasme?


Encore un mauvais exemple français. Il y a 300.000 étudiants en Tunisie, dont la moitié de filles. Sur ces 150.000 étudiantes, il y a peut-être 20% de jeunes voilées dont une, une seule, qui veut porter le niqab. On fait toute une histoire pour une étudiante. Il y a 700.000 chômeurs dans ce pays. Comment pouvons-nous nous focaliser sur autre chose que la lutte contre le chômage ? Cette histoire de niqab relève de la liberté individuelle de chacune. Qu'on en finisse et qu'on parle de sujets importants. Celui-ci est tout à fait marginal, il n'existe pas pour moi. Il ne m'intéresse même pas.

Alexandre Duyck, envoyé spécial à Tunis - Le Journal du Dimanche


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.