L'initiative financée par la commission européenne, qui a réuni du 22 au 24 janvier à Hammamet 30 patrons de presse venus de Tunisie, d'Algérie, du Maroc, de Libye et de Mauritanie, a abouti à l'adoption d'un «code de déontologie de la presse maghrébine», qui reste «consensuel» selon les propres mots de Hassen Arfaoui, chargé du suivi de cette rencontre, s'exprimant à l'occasion d'une conférence de presse tenue hier au siège de la délégation de l'Union européenne en présence de Laura Baeza, ambassadrice de l'Union européenne, et de Taieb Zahar en sa qualité de directeur de l'Association tunisienne des directeurs de journaux. Pour parvenir à une déclaration commune et à la signature de ce code de déontologie, M. Arfaoui reconnaît que les négociations ont été dures et que les tractations se sont poursuivies jusque tard dans la nuit, afin de trouver un terrain d'entente. «L'un des points les plus épineux à traiter a été la protection du sacré. Certains confrères ont souhaité voir le code de déontologie maghrébine, criminaliser l'atteinte au sacré», explique Hassen Arfaoui. Les participants ont finalement consenti à «respecter tous les cultes et les croyances» dans l'article 12 du texte. Le code de déontologie maghrébine, présenté aux journalistes comme «historique», contient 19 articles évoquant parfois de façon très vague et clairement consensuelle, les droits et devoirs des journalistes, dans un marché de presse (papier ou électronique) désormais ouvert (plus d'une centaine de titres paraissent en Algérie). «Ce code ne s'applique à personne de façon obligatoire, mais il s'appliquera d'une manière naturelle à tous ceux qui partagent cette même vision de la profession, ceux-là seront les ambassadeurs d'une culture déontologique nouvelle», explique Taieb Zahar. Nizar Bahloul, signataire du code de déontologie de la presse maghrébine Le chef de la Délégation européenne à Tunis estime que dans cette première phase, les organisateurs ont fait le choix de commencer par le haut (les patrons de presse) afin d'enclencher le processus de respect de la déontologie journalistique dans les pays du Maghreb. Certains regrettent néanmoins que ce code de déontologie n'ait pas impliqué les médias audiovisuels. Critique à laquelle l'ambassadrice de l'Union européenne rétorque que «l'audiovisuel dans les pays maghrébins reste sensiblement moins libre que la presse écrite» et que par conséquent, le choix a été fait de travailler exclusivement avec la presse écrite lors de ce forum. D'un autre côté, Taieb Zahar a réaffirmé son soutien, ainsi que celui du réseau maghrébin, à Nizar Bahloul (patron de Business News) condamné, récemment à quatre mois de prison ferme, pour un article jugé diffamatoire, quelques jours après qu'il eut signé le «code de déontologie de la presse maghrébine». La publicité, ce talon d'Achille de la presse écrite L'article 6 du code stipule que «l'information et la publicité doivent être séparées» et que «toute production à visée promotionnelle doit être mentionnée en tant que telle». Cependant, Taieb Zahar évoque sans complexe plusieurs problématiques liées aux annonceurs qui restent la principale source de financement des journaux et des magazines. Il se demande, en effet, si aujourd'hui on pourrait faire une publicité pour une entreprise et la critiquer ouvertement dans un article sans une certaine crainte de se voir boycotté par l'annonceur. «Je me rappelle que dans mon magazine hebdomadaire, nous avions critiqué il y a quelque année un pays voisin, et d'un coup nous avons vu les annonceurs de ce pays résilier tour à tour leurs abonnements et contrats publicitaires avec notre magazine», avoue Taieb Zahar. C'est d'ailleurs pour cette raison entre autres qu'il appelle à la création d'un fond de soutien aux journaux tunisiens, à l'image de l'expérience marocaine dans le domaine. Une fédération maghrébine des éditeurs Le forum organisé à Hammamet n'est qu'un pas vers plus de collaboration entre les patrons de presse maghrébins, qui ont créé, après l'adoption du code de déontologie, un comité de suivi composé de deux représentants de chaque délégation, et qui aura pour mission de fonder un observatoire maghrébin de la déontologie. Il se réunira une fois par an et récompensera les journaux qui se distinguent par leur respect de la déontologie journalistique. En juin, les même signataires, ainsi que d'autres qui auront rejoint le réseau, annonceront la création d'une fédération maghrébine des éditeurs, dont la mission n'a pas été encore révélée. Initiative à saluer de la part des patrons de presse et de la représentation de l'Union européenne, mais dont la mise en œuvre reste incertaine, dans un contexte historique très complexe, où parfois les règlements de comptes politiques se font par médias interposés.