Incendié le 12 de ce mois par des fanatiques autoproclamés défenseurs de la religion, le mausolée de Sidi Abou Saïd El Béji a rouvert ses portes aux visiteurs, après avoir reçu un petit coup de neuf qui a duré une dizaine de jours. Mais cette restauration, aussi éphémère soit-elle, n'a été que partielle. Un avant-goût d'inachevé fait dans l'urgence pour fêter la naissance du Prophète. Hier, c'était le Mouled, une journée pas comme les autres pour les habitants de Sidi Bou Saïd. Ainsi, la réouverture de la zaouia, à moitié brûlée, n'est pas passée inaperçue. L'événement a drainé du beau monde dont les nostalgies du bon vieux temps bravent les caprices de l'instant. Pluies et froid se sont associés pour fléchir certaines volontés et mettre les adeptes fidèles à l'épreuve de l'oubli. Mais sans effet ! Nul ne peut les empêcher de sentir le parfum d'antan et d'aujourd'hui. Curieux et passionnés, les visiteurs du mausolée sont venus de tous bords. Rien que pour se rassurer de la perpétuité de leurs traditions et coutumes. Dans les dédales de la médina, perché sur les hauteurs de la colline montagneuse du village patrimonial, le célèbre mausolée de Sidi Abou Saïd El Béji s'est réveillé, en ce jeudi 12 Rabï Al Awal, sur un nouveau rendez-vous tant attendu pour faire le bienvenu. Et voilà la ruée vers le sanctuaire où les festivités ont eu lieu sous haute surveillance sécuritaire. Une mobilisation policière quadrillait l'édifice religieux de tous les côtés, en prélude de la visite prévue de cheikh Rached Ghannouchi à Sidi Bou Saïd. A l'entrée de la ville, les banderoles en donnent signe, annonçant qu'un éventuel meeting populaire présidé par le leader du parti d'Ennahdha devait être organisé. L'information a rapidement circulé de bouche à oreille sans susciter un écho favorable. La colère s'est emparée des esprits. Et les réactions fusaient de partout. «Pourquoi est-il venu ? Qu'il dégage ! Nous ne voulons pas voir cet homme y mettre les pieds», crie Beya, native de la région. Elle n'a pas tari d'éloges pour le mausolée qui représente, pour elle, la mémoire d'une nation modérée et tolérante, mais aussi un monument culturel dépositaire d'un précieux héritage ancestral. «Ce mausolée patrimonial me rappelle toujours mon enfance et toutes les étapes de ma vie, où nous nous donnons rendez-vous pour des chants liturgiques et des récitations du saint Coran», se souvient-elle avec beaucoup de nostalgie. Khmaïs, visiteur fidèle, révèle qu'il s'attache toujours aux rites culturels périodiques tels que la Kharja de Sidi Bou Saïd qui est organisée en été. Il nous a relaté avec beaucoup d'amertume l'incident de l'attaque du mausolée, il y a quelques semaines. Et les traces des violations barbares sont encore là, bien visibles. La salle du tombeau et une autre pièce mitoyenne semblent avoir été entièrement ravagées par le feu. Selon Walid, ouvrier municipal dans le chantier de réparation de l'édifice, tous les vieux ouvrages du mausolée ont été incendiés, même des manuscrits datant de mille ans ont été complètement détruits. Que reste-t-il d'un monument classé par l'Unesco patrimoine humain international ? Un sanctuaire religieux en cours de refonte et une mosquée ouverte tout au long de la journée. Mais aussi des Tunisiens solidaires qui croient fort en les valeurs sublimes de l'Islam, loin de toute forme d'extrémisme qui ne cesse de semer la discorde et la zizanie. (Voir autres infos en page Culture)