Les personnages oscillent entre la réalité et la fiction. Ils semblent porter leurs propres discours et leurs propres rêves, des bribes de vie que le cinéaste arrive à mettre en place, tel un puzzle, pour dresser un tableau complet. A 18h00, le hall de la maison de la culture Ibn-Rachiq grouillait de cinéphiles et autres invités. Il était clair que le festival du film des droits de l'Homme n'avait rien à voir avec l'amateurisme et qu'Elyès Baccar (son directeur) et son comité d'organisation ont bien réfléchi et ont été attentifs aux moindres détails pour que cette manifestation porte bien son identité internationale. La scène était sobre, les deux maîtres de cérémonie, les comédiens Ramla Ayari et Ghanem Zrelli, ont bien renvoyé l'idée et l'esprit du festival, un festival pour le cinéma mais pas seulement, un festival pour l'humain. La bande-annonce, conçue et réalisée par Nader Karrout, en plus de plusieurs courts métrages sur la liberté de la presse, les articles de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen, ainsi qu'un film conçu par Amnesty International, projeté lors de la cérémonie d'ouverture, donnaient déjà le ton: celui de la créativité, de l'artistique, de l'alternatif, pour raconter les maux et les rêves du genre humain. Une fois annoncée l'ouverture de cette première édition de «Human screen festival» par son directeur Elyès Baccar, on passa au film inaugural Die Welt du Hollandais Alex Pitstra En présentant son film, le cinéaste nous dévoile le côté original de son œuvre. En fait, il n'y parle pas de la réalité des jeunes Néerlandais, mais il pose plutôt un regard sur notre jeunesse à nous et son rapport à l'autre. Alex Pitstra s'avère être à moitié tunisien, puisqu'il est de mère hollandaise et de père tunisien, un père qu'il n'a rencontré qu'en 2005 et, à travers lui, il a commencé à renouer avec toute une culture, et surtout découvrir l'autre facette du rêve que portent les jeunes de la rive sud de la Méditerranée. Cette rencontre a donné naissance, quelques années plus tard, à Die Welt, une œuvre de 90 minutes où se mêlent fragments de vie et fiction. C'est l'histoire de Abdallah, un jeune vendeur de DVD, qui estime réduites ses chances de faire du chemin dans la vie. Quand il rencontre Anna, une touriste néerlandaise, il commence à rêver d'un avenir meilleur en Europe, ou Die Welt, comme son père appelle la terre promise de l'autre côté de la Méditerranée. L'approche du réalisateur est décalée, elle jongle entre les moments joués et les moments où il fait immersion dans la vie de la famille de Abdallah. Les personnages oscillent entre la réalité et la fiction. Ils semblent porter leurs propres discours et leurs propres rêves, des bribes de vie que le cinéaste arrive à mettre en place, tel un puzzle, pour dresser un tableau complet. Le film est divisé en quatre chapitres, et dans chacun d'eux, les séquences se succèdent avec fluidité. Le cinéaste passe d'une situation à une autre avec des transitions soignées, introduisant les histoires à venir en suivant un fil conducteur subtil. Sa caméra sait s'arrêter sur les détails d'un crépuscule, sur des moments de silence et de détresse, capte, avec humour, les différences culturelles et s'attarde sur des plans aussi significatifs que celui des caméléons suspendus au bout d'un fil, ou celui d'un étalage d'escargots... Die Welt, du cinéaste Alex Pitstra, n'est pas un film exotique, encore moins un film d'Occidentaux à la recherche d'orientalisme ou de clichés, bien au contraire, il prend parti pour les rêveurs et soulève la naïveté et l'illusion qui les entraînent sur des embarcations de fortune qui les emmènent nulle part. * Le monde ou la terre promise