Par Lotfi BEN LALLAHOM La Convention relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée le 13 décembre 2006 au Siège de l'Organisation des Nations Unies à New York. La Tunisie a été parmi les premiers pays à ratifier cette convention et son protocole facultatif (2-Avril-2008), et a été le premier pays dans le monde à présenter le rapport sur les politiques et réalisations en faveur des personnes handicapées en Tunisie et ce trois mois après la Révolution. C'est le premier grand traité du XXIe siècle en matière de droits de l'homme et c'est la première convention des droits de l'Homme à être ouverte à la signature des organisations d'intégration régionale. Ceci marque une «mutation» dans les attitudes et les stratégies envers les personnes handicapées. Une nouvelle approche du handicap La Convention entend par personnes handicapées : «des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres.» Le protocole facultatif, quant à lui, prévoit une procédure de recours individuel. Une nouvelle approche du handicap est adoptée par la communauté internationale et pose de nouveaux paradigmes: les droits des personnes handicapées font pleinement partie des droits de l'Homme. Par conséquent, c'est à la société de s'adapter aux besoins spécifiques des personnes handicapées et non l'inverse, l'approche médicale du handicap est abolie en faveur d'une approche médico-psychosociale où on tient de plus en plus compte des obstacles environnementaux et des barrières architecturales. La Nouvelle Convention se base sur les Conventions des droits humains, garantit leur application aux personnes handicapées, et comporte une dimension sociale explicite. Elle effectue un large classement des personnes handicapées par catégories et réaffirme que toutes les personnes qui souffrent d'une quelconque infirmité doivent bénéficier de tous les droits et libertés fondamentaux. Elle éclaire et précise la façon dont toutes les catégories de droits s'appliquent aux handicapés et désigne les domaines où des adaptations permettraient à ces personnes d'exercer effectivement leurs droits, ainsi que les domaines où il y a eu violation de droits et où il convient de renforcer la protection de ces droits. La Convention interdit toutes les formes de discrimination à l'égard des personnes handicapées dans tous les domaines et leur garantit des droits humains civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Il s'agit d'une Convention contraignante pour les Etats parties, à savoir les pays qui l'ont signée et ratifiée. Ce qui signifie qu'ils s'engagent à traduire les principes énoncés dans la Convention dans leur législation nationale. Il ne s'agit donc pas de créer de nouveaux droits spécifiques pour les personnes handicapées mais bien de réaffirmer l'inaliénabilité de leurs droits fondamentaux comme tout un chacun. La Convention garantit notamment le droit à une vie indépendante et autonome, le droit à avoir sa propre famille, le droit à bénéficier d'une éducation, d'une formation, d'avoir un emploi, le droit de participer à la vie communautaire et à la vie politique, le droit d'avoir une protection sociale, mais aussi la protection contre la violence, l'exploitation et l'abus. Ces deux textes constituent une avancée majeure dans la manière dont le handicap est appréhendé: «Non plus comme un problème de bien-être social mais comme une question de droits humains, en reconnaissant que les barrières sociétales et les préjugés sont eux-mêmes des facteurs handicapants». Aperçu sommaire des constitutions à l'échelle internationale du sujet de la question du handicap Plusieurs Etats ont une constitution écrite contenant une norme antidiscriminatoire ou garantissant l'égalité de traitement aux personnes handicapées. On cite en particulier la majorité des pays de l'Europe, à l'exception des pays de l'ancien bloc de l'Est, ainsi que plusieurs pays d'Afrique et d'Amérique du Nord. D'autres ont une constitution écrite contenant des normes antidiscriminatoires plus générales ou garantissant implicitement l'égalité de traitement aux personnes handicapées. Mais il faut signaler l'écart entre les textes législatifs et les pratiques sur le terrain. En effet, diverses barrières comportementales et environnementales continuent de faire obstacle à une réalisation effective de l'égalité des droits et à une pleine participation des personnes handicapées à la vie en société. Il est important de souligner que l'avènement de la convention internationale des droits des personnes handicapées des Nations unies a eu un effet «starter» pour plusieurs pays qui ont ratifié la Convention et qui étaient dans une obligation morale et éthique pour amender leurs constitutions en y insérant un article consacré aux droits des personnes handicapées. Les textes varient d'un pays à l'autre, certains pays font simplement référence au handicap ou à l'invalidité ou déficience corporelle, mentale ou psychique dans l'article général consacré à la question de la discrimination. D'autres pays énoncent un article spécifique pour la question des droits des personnes handicapées. Il est important de souligner que certains principes sont assez souvent retrouvés dans les constitutions et qui touchent à des domaines fondamentaux, il s'agit en particulier : — du principe de la non-discrimination et de l'égalité des droits — de la capacité juridique — du droit à une accessibilité raisonnable, à tous les domaines de la vie — d'une pleine participation des personnes handicapées à la vie en société — de la reconnaissance des moyens de communication propres aux personnes handicapées. Les effets de la «constitutionnalité» de la question du handicap Il y a lieu de signaler que la nouvelle loi d'orientation tunisienne relative aux personnes handicapées de 2005, qui semblait apporter des avancées en faveur des personnes handicapées, présente en fait des lacunes et des écarts par rapport à la nouvelle approche au sujet des droits des personnes handicapées. Cela a était signalé par le comité des Nations Unies lors de l'évaluation du rapport tunisien en 2011. L'insertion d'un article spécifique à la question du handicap dans la constitution représente une première réponse à la convention internationale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. En énonçant des notions telles que les droits des personnes handicapées, l'égalité des chances ainsi que le principe de la non-discrimination ont pour effet d'imposer au législateur que toutes les lois votées désormais respecteront et tiendront compte de ces principes. Ainsi les personnes handicapées deviendront des «consommateurs et des contribuables» à part entière, et il s'agit là d'un moyen d'accéder à la pleine citoyenneté. Les propositions pour la nouvelle Constitution tunisienne — Article général sur la discrimination «Nul ne doit être victime de discrimination pour des motifs de sa race, de sa couleur, de son sexe, de son origine, de sa langue, de sa religion, de son opinion politique, de sa condition économique et sociale, de son mode de vie, de son rapport avec une communauté, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, du fait d'une invalidité ou de tout autre statut personnel». - Article spécifique pour la question du handicap «Il est reconnu aux personnes handicapées l'égalité des droits loin de toutes formes de discrimination. Chaque personne handicapée a le droit de bénéficier, en fonction de la nature et de la gravité de son handicap, des mesures qui lui assurent l'autonomie, la pleine citoyenneté et une intégration sociale, éducative, professionnelle, culturelle et sportive . Il est fondamental d'assurer aux personnes handicapées toutes les mesures pour l'accessibilité physique et numérique raisonnable de même que la reconnaissance des différents moyens alternatifs de communication, comme la langue des signes pour les personnes sourdes ou malentendantes et l'écriture Braille pour les personnes non voyantes. Des mesures doivent être prévues pour éviter des situations dans lesquelles les personnes handicapées sont désavantagées».