L'attaque dont le siège de la chaîne télévisée Al-Hiwar a été l'objet, durant la nuit de samedi à dimanche derniers, continue de susciter l'indignation et la colère au sein du milieu journalistique, du paysage politique national et parmi les différentes composantes de la société civile. Comment l'effraction s'est-elle produite et quels sont les équipements qui ont été dérobés ? Quelle lecture les professionnels d'Al-Hiwar font-ils de l'effraction du siège de leur chaîne ? Ils savaient ce qu'ils avaient à faire Aymen Rezgui, rédacteur en chef au sein de la chaîne, précise : «L'attaque s'est produite vers quatre heures du matin dimanche dernier. Les auteurs de l'effraction ont défoncé la porte d'en haut, située sur le toit du siège de la chaîne. Ils ont dérobé sept caméras de transmission, le mixeur et le mélangeur vidéo et ont détruit la salle de régie et les câbles micro. C'est des gens qui savaient apparemment ce qu'ils avaient à faire puisqu'ils n'avaient pas emporté l'argent qui était dans la caisse se trouvant au siège de la chaîne. Nous avons la conviction que leur objectif était d'empêcher la chaîne de diffuser ses programmes en détruisant ses équipements. Heureusement, nous avons réussi à poursuivre la retransmission de nos programmes et Al-Hiwar continue sa mission, avec le même enthousiasme et la même ardeur». A la question de savoir quelles sont les parties qui pourraient se cacher derrière cet acte de violence inadmissible, Aymen Rezgui n'y va pas par quatre chemins : «Nos doutes vont naturellement vers ceux qui nous ont menacés d'agression. Et puis les menaces dont nous sommes la cible ne sont pas nouvelles, les agressions aussi, dans la mesure où les équipes d'Al-Hiwar ont déjà eu affaire, à plusieurs reprises, aux salafistes, aux barbus, aux sympathisants du gouvernement lors des manifestations ou des marches de protestation. Au cours de la semaine qui a précédé l'effraction du siège de la chaîne, les journalistes ont été intimidés par certains commerçants salafistes au marché Moncef-Bey à l'occasion de l'incendie qui en a détruit une bonne partie. A Gafsa, nos reporters ont été également agressés lors d'un mouvement de protestation. Samedi dernier, Al-Hiwar a proposé aux téléspectateurs une émission spéciale sur les actes de violence perpétrés par les salafistes à Jendouba, à Mahdia et au Kef et les réactions n'ont pas tardé à fuser puisque notre page facebook a été immédiatement bombardée d'insultes et de menaces. Au cours de la même nuit, ils sont passés à l'acte. Nous avons déjà déposé une plainte auprès des services de la sûreté à La Manouba. La police technique est venue accomplir les procédures d'usage et l'on pense que la caméra de surveillance pourrait aider les enquêteurs grâce aux images qu'elle a enregistrées avant qu'elle ne soit détruite par les auteurs de l'effraction. Quant à ma lecture personnelle de cette affaire, elle est claire et concise : pour moi, la chaîne Al-Hiwar dérange les ennemis de la presse libre et indépendante. Ceux qui harcèlent les journalistes d'Al-Hiwar et qui essayent de leur faire peur ou de les empêcher d'accomplir leur mission comme ils l'entendent commettent, en réalité, un véritable crime aux dépens du secteur de l'information dans son ensemble, dans une conjoncture marquée par un laisser-aller affligeant de la part du gouvernement qui donne l'impression qu'il est totalement désarmé face aux salafistes». Aymen Rezgui tient à exprimer ses remerciements à tous ceux qui ont dénoncé l'attaque du siège d'Al-Hiwar et ont fait part de leur soutien à son équipe et à leur dire que «la chaîne ne dérogera pas de sa mission et continuera à donner la parole à toutes les voix libres». Quant à l'enquête judiciaire ouverte aussitôt l'attaque dévoilée, on apprend auprès d'une source informée au ministère de l'Intérieur que les investigations se poursuivent toujours et qu'aucun présumé coupable n'a été arrêté jusque-là.