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L'opposition doit faire sa révolution
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 02 - 2012


Par Abdellatif Ghorbal
Face à au pouvoir d'Ennahdha, sans solutions pour le pays et de plus en plus dans l'impasse, l'opposition, bien que tétanisée jusque-là par son échec du 23 octobre, tente de se relever et de se remettre à espérer, profitant le plus possible de l'incompétence manifeste (et un peu inattendue) des Nahdhaouis et des contradictions de la Troïka. Mais pour sauver la révolution et faire triompher la démocratie, nul besoin de compter sur une victoire par défaut. C'est par l'action positive et par l'organisation des démocrates et des patriotes vers des objectifs concrets et identifiables que se construira la victoire du peuple tunisien, toujours déterminé à aller de l'avant.
L'opposition ne doit surtout pas se réjouir de l'incapacité du gouvernement Ennahdha à gouverner. Tout d'abord parce qu'il n'y a rien de rassurant à voir son pays entre de telles mains. Ensuite, parce que même s'il est certain que l'opposition n'aurait pas pu faire pire, rien n'indique qu'elle aurait mieux réussi. Elle aussi manque d'idées, elle aussi est déchirée par les querelles de personnes, elle aussi possède son lot d'incompétents, recyclés de l'ancien régime ou non, et les Tunisiens le savent. Lors des prochaines élections, si le discrédit des partis politiques est généralisé, les équilibres électoraux ne bougeront pas, et Ennahdha continuera à diriger le pays en amateur. Et rien ne prouve qu'elle va perdre des voix. Ennahdha n'a certes pas réussi à transformer sa victoire électorale en dynamique idéologique, comme l'AKP a pu le faire en Turquie, mais elle peut encore attirer de nouveaux électeurs pour compenser les nombreux déçus qu'elle a créés.
Ensuite, il faut bien comprendre les raisons de la victoire d'Ennahdha. Hormis le noyau dur de sa base, ses électeurs n'ont pas voté pour une révolution islamique. Ils ont choisi ce parti parce qu'il les a le plus rassurés, en leur promettant de l'ordre et de l'honnêteté, et en jouant une carte qu'il n'est plus possible de leur retirer, celle de la religion. Et cette carte-là, leur unique atout, leur seule raison d'être, ils continueront à la jouer, sans pudeur aucune, et d'autant plus violemment qu'ils se sauront en difficulté. On les voit encore aujourd'hui aux manœuvres pour tenter d'imposer la Chariâ par le biais de l'article 10 de leur projet de Constitution, non encore annoncé, mais déjà distillé par des fuites organisées. Et pour combattre cet usage déloyal et dangereux des convictions les plus profondes des Tunisiens, il faudra éviter de répéter à l'avenir les mêmes erreurs tactiques et stratégiques que lors des dernières élections.
Les erreurs à éviter
Parmi les erreurs tactiques les plus flagrantes figure en premier lieu l'utilisation d'effets d'affichage, qui indisposent les électeurs beaucoup plus qu'ils ne les attirent. Proposer des candidatures féminines parce que ce sont des femmes, ou de jeunes parce que ce sont des jeunes, est en période révolutionnaire un luxe que les partis d'opposition ne peuvent pas vraiment se permettre. La société tunisienne, comme beaucoup d'autres sociétés arabes ou méditerranéennes, est une société conservatrice, et les candidatures de femmes ou de jeunes, quand ils sont sans expérience politique et sans passé militant, font plutôt perdre des voix qu'en gagner. En réalité, seule Ennahdha peut se payer le luxe de faire élire qui elle souhaite, femmes ou jeunes. Les autres partis n'ont pas encore cette latitude. Il est préférable de favoriser en interne, dans les structures partisanes, l'ascension et la participation aux responsabilités de jeunes militantes et militants courageux, plutôt que d'encourager des candidatures artificielles. Qui peut croire en effet que la quarantaine de femmes députées d'Ennahdha feront avancer en quoi que ce soit la condition féminine ? Si la liberté leur en était donnée, elles voteraient sans états d'âme la suppression du Code du statut personnel.
Sans doute plus importante, est la nécessité d'abandonner l'ancienne communication politique tunisienne : affiches publicitaires géantes, personnalisation des partis, utilisation massive de la langue de bois, où les mots « progrès », «modernité», « démocratie », « justice » s'entrechoquent et se croisent dans un ballet aussi ronronnant qu'inoffensif. Ces slogans sont tellement peu significatifs, et si peu clivants, que même Ennahdha les emploie sans crainte. Pour cela, il est toujours important de les étayer par leur contenu.
La troisième erreur tactique consiste pour les partis d'opposition à raisonner comme si, après une parenthèse cauchemardesque de vingt- trois ans, nous nous trouvions de nouveau à l'époque de l'indépendance, quand les différends politiques se réglaient dans les coulisses des congrès du Destour. À l'époque, les motions, les proclamations, les manifestes avaient du poids, et ils étaient scrutés et disséqués attentivement par le petit milieu politisé. Le peuple, lui, était tenu à l'écart. Dorénavant, et pour la première fois de son histoire, c'est le peuple tunisien, avec ses colères, ses fantasmes, ses impatiences et ses exigences qui est souverain. Et ce que le peuple fait, le peuple peut le défaire, à condition de le convaincre et de le faire vibrer. Pour l'instant, seule Ennahdha, et dans une moindre mesure El Aridha et le CPR, ont réussi à le faire. On peut le regretter, mais c'est ainsi, et puisque le peuple tunisien ne changera pas, c'est à l'opposition de se transformer.
Choisir les angles d'attaque
Quant aux erreurs stratégiques à ne pas commettre, la première consiste à ne pas se tromper d'adversaire, qui doit demeurer le détenteur réel du pouvoir, et non ses associés. Actuellement, c'est le parti Ennahdha qui gouverne, et pas le CPR, Ettakatol, ou les salafistes. Pourquoi se tromper de cible, en visant à côté ? En particulier, le tapage médiatique entourant les moindres faits et gestes de Moncef Marzouki est contre-productif. A partir du moment où l'on considère que la présidence de la République n'a aucun pouvoir face à l'Assemblée constituante, les actions de son titulaire perdent logiquement de leur importance. Quand un pays entier n'est plus gouverné, quand un pays entier se trouve écrasé sous le poids du chômage de masse, il faut bien choisir les angles d'attaque. En d'autres termes, il faut éviter de faire avec Moncef Marzouki et Ennahdha ce que les Tunisiens ont fait pendant vingt trois ans avec Leïla Trabelsi et Ben Ali. Leïla était critiquable, mais c'était son mari qui détenait tous les pouvoirs, pendant que son épouse lui servait de paratonnerre utile.
Plus largement, l'opposition doit bien comprendre la fragilité actuelle de la Troïka au pouvoir. Des trois partis la composant, seule Ennahdha est un parti déterminé et efficace, où règnent l'ordre et la discipline. Le CPR et Ettakatol sont des partis dont les membres se déchirent ouvertement, partagés entre des lignes que l'on devine contradictoires, rongés par leur mauvaise conscience, et souffrant de leur totale marginalisation. Nul citoyen n'accepte très longtemps d'être traité de la sorte. Les militants du CPR et d'Ettakatol n'ont pas à servir de marchepied ou de valets au parti Ennahdha, et l'alliance qu'ils ont forgée avec ce parti peut se défaire plus rapidement qu'on ne le croit. Et à ce moment-là, l'opposition doit se tenir prête à leur tendre la main. Si les soixante-trois pour cent des électeurs qui ont voté contre Ennahdha s'unissaient, Ennahdha pourrait n'avoir été qu'une parenthèse, peut-être nécessaire, dans l'histoire tunisienne. Et même si la Troïka ne se défait pas dans les prochains mois, l'opposition doit être prête à cette éventualité. Si Ennahdha a réussi à faire alliance avec Ettakatol et le CPR, l'opposition en est capable elle aussi. Mais l'opposition doit également comprendre que sa crédibilité dépend beaucoup plus de ce qu'elle a à proposer au peuple que de la manière dont elle s'organise. Coalition? Front démocratique ? Union populaire ? La forme peut avoir son importance, mais au final, c'est le projet politique qui compte le plus.
Et demain ?
Lutter contre l'utilisation indigne du sentiment religieux par Ennahdha n'est pas chose facile, et il serait tentant, pour certains, d'islamiser le discours, profondément ou à la marge. Cela serait pourtant une grave erreur, car outre qu'aucun électeur d'Ennahdha ne serait dupe de cette manœuvre, cela reviendrait à légitimer la démarche des nahdhaouis, et à leur donner une crédibilité qui leur fait défaut. Pour contrer le parti religieux, il faut proposer quelque chose de différent et d'aussi fort. Et en ces temps de révolution, la thématique prioritaire des Tunisiens est facile à deviner: il s'agit de la situation économique et du chômage. Les Tunisiens ne veulent ni de charité, qu'ils ne perçoivent que trop bien lorsque l'on parle de solidarité régionale, ni de maintien de l'ordre libéral sous la houlette du FMI et des pays occidentaux. Développer le pays, comme l'ont fait les pays d'Asie, voilà la priorité absolue du mouvement national. Ennahdha ne comprend ni ne s'intéresse à l'économie, et il faut le faire savoir.
En second lieu, la grande ligne de fracture qui sépare Ennahdha du reste des partis politiques n'est pas son conservatisme moral, mais son internationalisme profond. En réalité, Ennahdha, dans ses objectifs, n'aime pas la Tunisie. Ses membres semblent préférer l'arabe du Golfe au dialecte tunisien, les imams égyptiens ou saoudiens aux enseignants de la Zitouna, le wahabisme au malékisme. Et même lorsqu'ils veulent cacher leurs femmes, ils choisissent le niqab au lieu du sefsari ! Leurs dirigeants paraissent littéralement aveuglés par la passion qu'ils portent à tout ce qui vient du Golfe. Il s'agit là d'une véritable haine de soi, et le seul moyen de la combattre est de valoriser la langue, le patrimoine et la culture tunisienne d'une part, et d'autre part de défendre la souveraineté de la Tunisie à tout prix, contre les diktats de l'Occident et de ses banques, mais également contre l'impérialisme culturel des pays du golfe. Le salut de l'opposition, et surtout celui de la Tunisie toute entière, est à ce prix.
L'appel de M. Béji Caïd Essebsi
La scène politique tunisienne s'anime actuellement par toutes sortes d'appels, d'initiatives, ou d'actions citoyennes appelant à l'union des forces politiques pour sortir le pays de l'impasse et lui éviter les affres de la gabegie des radicaux d'Ennahdha et de leurs salafistes. L'appel de M. Béji Caïd Essebsi, déjà bien accueilli par l'opinion, tombe au bon moment et constitue un précieux soutien aux initiatives unitaires des partis politiques opposés au projet d'Ennahdha, en raison des graves risques qu'il fera courir au pays. Les nouvelles structures unitaires en formation, notamment autour du PDP, ou du PDM, ou de l'alliance «Watani», ou d'autres qui vont suivre, pourront devenir des cadres de luttes réussies aussi bien dans la phase actuelle d'élaboration de la Constitution que lors des prochaines élections. La Tunisie a besoin d'une vraie représentation politique, seule capable de trouver les solutions adéquates aux problèmes économiques du pays.
Dans l'immédiat, quatre principaux mots d'ordre sont à mettre en avant durant les prochains mois : une Constitution pour le pays, et non pour Ennahdha, car si les Tunisiens sont musulmans, ils n'ont jamais voté pour la chariâ ; des élections rapides (avant le 23 octobre 2012), l'Isie dans sa composition actuelle devant par conséquent se remettre au travail immédiatement ; la préservation de la neutralité politique de l'administration et des autres structures de l'Etat tunisien ; et enfin la garantie des libertés d'opinion et de presse, sans aucune entrave. Parallèlement, la mise en place d'un projet sérieux de développement économique doit se poursuivre, afin que l'opposition soit en mesure de convaincre le peuple tunisien de sa capacité à lui offrir des perspectives d'avenir plus enthousiasmantes que l'application de la chariâ.
C'est ainsi que sera mis au pied du mur le pouvoir provisoire actuel, qui ne pourra s'y dérober, sous peine de révéler, dans les faits, qu'il serait déjà dans une logique de monopolisation du pouvoir. Ce dont il est fortement soupçonné par une partie de l'opinion.


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