Dans un contexte de pluralisme politique et médiatique en pleine construction et en quête d'assises démocratiques solides, le travail du journaliste professionnel qui doit, en toute circonstance, respecter l'éthique journalistique et satisfaire un besoin de plus en plus grand en informations instantanées et crédibles, devient une tâche difficile. Une tâche d'autant plus difficile que le journaliste découvre la liberté d'expression et tente d'en tirer le plus grand profit, après des décennies d'oppression, de censure et de silence. Résultat : des dérapages médiatiques en série et des leçons à tirer, comme celle qui veut que le journaliste soit conscient de ses responsabilités devant le citoyen et de ses limites en termes d'objectivité face à un trop plein d'informations. Car, dans un contexte de concurrence, les pressions sont nombreuses et diverses et les risques de manipulation omniprésents. Préserver sa neutralité, son indépendance, son objectivité tout en veillant à fournir une information précise et vérifiée est donc une véritable gageure. Pourtant, en cette étape transitoire historique, le journaliste tunisien est tenu d'assurer une couverture médiatique équitable du processus électoral et à veiller au respect des règles de l'impartialité et de la transparence, surtout au cours de la campagne électorale et le jour du scrutin. C'est dans ce contexte particulier qu'une session de formation a été organisée récemment par le Centre africain de perfectionnement des journalistes et des communicateurs (Capjc), en partenariat avec l'organisation américaine Strategic Social. Le thème de la session : «La couverture des élections démocratiques tunisiennes : techniques avancées pour le journalisme écrit et numérique». Un contenu pédagogique, fruit de travaux réalisés au sein de la Georgia State University, a servi à dégager trois principales règles à respecter pour effectuer une couverture médiatique équitable de la campagne électorale et des élections. La session a été assurée par trois formateurs, deux Américains ( D. Shawn Powers, Professeur à Georgia State University, Kevin Anderson, journaliste basé à Washington (ancien journaliste du journal britannique The Guardian) et Akram El Neis, Jordanien, expert aux Nations unies. Un code déontologique pour chaque organisme Première règle : le respect des principes fondamentaux du journalisme dont l'impartialité, l'objectivité, l'indépendance et la précision. Cet aspect théorique du sujet suppose que l'objectivité est un idéal impossible à atteindre complètement et que le journaliste doit reconnaître humblement sa partialité. Mais, dans le cas d'espèce, la transparence peut remplacer l'objectivité. Des règles doivent être respectées en toute circonstance : l'obligation de vérité, la vérification de l'information auprès de plusieurs sources (au moins deux), la loyauté aux citoyens, l'indépendance complète par rapport aux sujets et aux personnes avec qui le journaliste traite son sujet, l'obligation d'exercer sa conscience personnelle. Dans le contexte des élections, il revient au journaliste d'identifier les sujets les plus urgents et ceux qui intéressent le public, tout en évitant de céder à la manipulation des politiciens ou d'autres sources de pression (gouvernement, lobbies, argent...). Ce volet débouche sur la recommandation visant à élaborer un code déontologique spécifique à chaque organisme de presse. Ce code doit immanquablement contenir les fondamentaux universels (sus-cités) partagés par l'ensemble de la profession, auxquels seront ajoutés des éléments liés à la ligne éditoriale du journal ou tout autre média. Dans ce contexte, la mise en place des organisations professionnelles est essentielle dans l'auto-réglementation en tant qu'alternative aux interférences gouvernementales et à la censure. De l'utilité des réseaux sociaux La deuxième règle consiste à développer et à varier les outils et techniques du journalisme, notamment écrit et numérique. Le principe repose sur l'optimisation de l'utilisation d'Internet et des réseaux sociaux pour améliorer le contenu des produits journalistiques. C'est le volet pratique de la formation qui s'est basé sur une navigation sur le web dans le but d'affiner les recherches pour les articles d'analyse, pour les interviews et autres. A cette occasion une présentation exhaustive de la plateforme numérique « Ushahïdi» a été faite par un formateur américian, M. Kévin Anderson. Cette plateforme instaure le concept du citoyen-observateur du déroulement de la campagne électorale et des élections. La recommandation, qui est proposée à ce sujet, est attribuée à Peter Horrocks, patron de BBC Global News et elle stipule que : «les journalistes doivent apprendre à se servir des réseaux sociaux et le faire effectivement... Ils ne font pas leur boulot s'ils ne savent pas faire cela. Ce n'est pas facultatif». Le dilemme pour le journaliste, surtout de la presse écrite, est que plus il est expérimenté, plus il se méfie de ces sources. D'où la question stratégique et de survie de la presse écrite : n'existe-t-il pas d'autres moyens que les réseaux sociaux pour alimenter le besoin quotidien des gens en informations ? Connaissance des textes juridiques La troisième règle repose sur la parfaite connaissance de la loi électorale et des décret-lois adoptés après le 14 janvier. Le devoir du journaliste revient à identifier les sujets utiles et intéressants, notamment ceux qui servent à éduquer les électeurs, c'est-à-dire les convaincre à aller voter le jour du scrutin, signaler les zones d'ombre qui peuvent exister dans la loi électorale, faire état des sondages politiques et, éventuellement, ceux qui établissent une interaction entre les médias nationaux, régionaux et étrangers. Et, dans ce contexte, la règle stipule que même les tentatives d'infraction doivent être signalées par le journaliste, dont le devoir est de révéler ce que les autres n'ont pas vu ni entendu. Le premier bénéfice qu'une société puisse tirer de la liberté d'expression réside dans le fait qu'une campagne médiatique organisée peut faire pression sur les décideurs et influer sur les décisions. Cela suppose une solidarité entre les journalistes et une grande conscience des responsabilités.