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On nous écrit | « Untitled », l'exposition collective à la Galerie Selma-Feriani: Sans nom, et pourtant...
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 11 - 2020

Et si nous vous prenions par la main pour vous guider à travers les différentes pièces de la Galerie Selma-Feriani afin de savourer la toute nouvelle exposition « Untitled » ? Réputée comme l'une des galeries incontournables de l'art contemporain en Tunisie, Selma-Feriani gallery a accueilli, du 27 septembre au 15 novembre 2020, des artistes entre émergents et établis lors d'une exposition collective éclectique.
« Untitled » met en lumière 18 artistes : Ziad Antar, Ismaïl Bahri, Lina Ben Rejeb, Amel Bennys, M'barek Bouchichi, Nidhal Chamekh, Elena Damiani, Rafik El Kamel, Jallel Gasteli, Malek Gnaoui, Pascal Hachem, Farah Khelil, Nicene Kossentini, Maha Malluh, Eva Nielsen, Yazid Oulab, Massinissa Selmani et Catalina Swinburn.
Cette exposition, qui réunit dessins, peintures, photographies, sculptures, installations, film et bande-son, est un hommage à la démarche artistique globale dans laquelle s'inscrit la galerie Selma-Feriani, une célébration des multitudes de pratiques et d'approches qui ont foulé le sol de son espace ainsi qu'une invitation à l'adhésion destinée aux artistes émergents, dont les œuvres s'alignent avec sa politique artistique.
Les œuvres exposées sont hétéroclites au niveau des conceptions, des supports et techniques. En explorant l'espace de la galerie, nous rencontrons des supports, techniques et approches, tous aussi différents les uns des autres, mettant en avant les particularités de chaque artiste et réunissant le tout sous une vision globale relevant du questionnement autour de ce qu'est une œuvre contemporaine, quelle serait sa forme et quelles questions fait-elle émerger.
En premier lieu, nous faisons la découverte de l'œuvre visuelle et sonore de Yazid Oulab qui nous propose un dessin en encre sur papier et une bande-son complémentaire. Nous réalisons nous-mêmes à travers cette œuvre une transcription du son en visuel et nous percevons ainsi la sonorité à travers le dessin, un va-et-vient mental guidé par l'alternance de la vision et de l'ouïe.
Pouvons-nous écouter la ligne, pouvons-nous visualiser le son? Telle est peut-être la question. Des interrogations autour du fond, de la forme, le rapport qui les réunit, autour de la perception et de l'interprétation sont relevées tout au long de l'exposition « Untitled ». Nous rencontrons cela avec l'œuvre de Amel Bennys « Toujours Possible » en 45 pièces d'aluminium sur lesquelles elle a peint des formes, des masses et des textures en absence totale de perspective et de représentation figurative. Nous retrouvons encore cela dans les trois installations de Pascal Hachem, à travers lesquelles il revisite avec absurdité le confinement, la solitude ainsi que l'enfermement mental et physique, et le rapport à la distanciation et aux gestes de protection liés au contexte de la pandémie actuelle que nous vivons. L'artiste enferme des objets dans des cadres en bois sur des surfaces en verre. Les trois œuvres de cet artiste baptisées « Lost Lust », « Beirushima » et « Tahara » ont une narration linéaire si elles sont perçues dans un même espace, pourtant, dans l'exposition les œuvres sont séparées chacune dans une pièce différente. Le récit de chacune isolée, une distanciation leur est imposée appuyant ainsi l'absurdité de chacune des œuvres.
Ainsi, « Untitled » nous propulse dans la réflexion autour de l'exposition d'une œuvre comme partie intégrante de la création de celle-ci.
Entre les murs, une révélation!
Nous ne manquerons pas de mettre en lumière l'intérêt que nous portons à l'œuvre de Massinissa Selmani, une création qui provoque une sympathie particulière par la pertinence de sa symbolique et sa conjugaison avec l'absurdité, ainsi que la finesse du trait.
En effet, la première œuvre de l'artiste présente une échelle dans un espace vide. Seule l'ombre de celle-ci indique la perspective et lui donne un équilibre. En haut de cette échelle se trouvent trois fruits (des fraises) poussant sur une feuille de cactus qui, lui, tire sa racine de l'échelle et peut tomber, basculer à tout moment.
Un vide conceptuel, politique, social, idéologique? Un désespoir? N'y a-t-il rien à atteindre au bout du compte? Les fruits sont-ils un fantasme né du néant?
Même si nous nous posons des questions sérieuses, nous ne pouvons pas nous empêcher de détecter le comique, de rire de cette absurdité.
Massinissa Selmani puise dans les mémoires collectives, dans les sous-entendus et les pensées sous-jacentes afin de créer une satire, un sourire et de nouveaux récits.
Le reste de ses œuvres exposées n'échappe pas à cette même démarche qu'il pousse encore et oriente dans une perspective de mettre l'accent sur les paradoxes sociopolitiques.
Nous retrouvons dans l'ensemble de ses œuvres plusieurs images, dont un dialogue de sourds entre un politicien qui applaudit et un jeune homme lui tendant un micro dans lequel est accroché un ventilateur, ce même personnage est debout dans une piscine vide. Nous percevons aussi des escaliers qui ne mènent nulle part, des espaces vides entrecoupés par des poutres et leurs ombres, des drapeaux qui surgissent à tout bout de champ...
Un assemblage de symboles tiré par des traits fins, des hachures subtiles et une présence ponctuelle des couleurs rendant l'ensemble plus exquis.
Artiste dessinateur, Massinissa est avant tout un citoyen algérien qui puise son inspiration de l'actualité politique et sociale, et qui joint dans son expérimentation, par l'assemblage des matériaux et par l'animation, le réel et l'irréel, le comique et le tragique, tout en octroyant à son travail une dimension documentaire, une touche de fiction, beaucoup d'absurdité et un clin d'œil au pouvoir et aux comportements humains...
La création entre sens, démarche et probable imposture
En continuant, nous rencontrons encore des créations qui explorent ce rapport à la fois complexe et ambigu entre fond et forme, et qui poussent les démarches artistiques à leur extrême, en explorant les thèmes des identités, de la pensée, de la mobilité, des barrières physiques et mentales.
Cela va des œuvres d'Elena Damiani qui présente des dessins géométriques et du coloriage sur des schémas cartographiques, des peintures d'Eva Nielsen auxquelles une couche supplémentaire a été appliquée afin de les effacer partiellement ou leur affecter un obstacle, ainsi que l'installation de Catalina Swinburn, qui se réapproprie des documents de cartographie maritime et des schémas de navigation afin d'en faire un tissage et en sortir un volume qu'on dirait sculpté à partir de ces éléments.
N'oublions pas de mentionner les deux artistes phares de la galerie qui ont répondu présents au rendez-vous et qui ne sont autres que Nidhal Chamekh et Malek Gnaoui. Le premier recourt à l'expérimentation sur un support autre que son support de prédilection, à savoir le papier, et pousse la limite de sa pratique artistique et de l'abstraction visuelle avec une projection vidéo d'une texture poussiéreuse en mouvement sur une surface translucide. Une démarche qui diverge de son travail artistique habituel et donne une ouverture au parcours de l'artiste sur les supports numériques et les possibilités infinies qu'ils présentent.
De son côté, Malek Gnaoui ne diverge pas pour autant de sa démarche habituelle, bien au contraire, il la développe encore et la fait intégrer dans l'ambivalence de l'œuvre entre fond et forme. Il exposera ainsi, isolée de toutes les autres créations dans un espace à ciel ouvert, une impression d'une statue romaine collée sur un volume fabriqué en ciment et en briques. Une œuvre à deux facettes contrastées qui en dit long sur le parcours d'un artiste pluridisciplinaire témoignant d'une sensibilité extrême à la matière et à la charge symbolique qui émane de la simplicité.
Au dernier étage, nous arrivons enfin à formuler un questionnement plus général autour de ce que cette exposition essaye d'instaurer, de rappeler ou de mettre en avant.
En effet, cet étage menant vers le toit de la galerie, espace de rencontre des artistes, collectionneurs, critiques, galeristes et âmes errantes des étudiants des arts plastiques et appliqués, et ce, durant les vernissages, va accueillir la dernière œuvre de l'exposition, celle de Farah Khelil.
Cette œuvre est réalisée en encre, aquarelle et mine de plomb sur du papier collé avec du papier adhésif sur le mur de la pièce, tout en ayant un aspect mal entretenu. Cela nous fait interroger sur l'œuvre, son support, sa mise en scène et sa valeur au niveau du marché de l'art, ainsi que sur l'authenticité de son message.
Nous savons très bien que le marché de l'art définit les valeurs des œuvres, et ce, par des spécialistes en la matière appuyés par des théoriciens de l'art, des critiques reconnus ainsi que les galeristes, commissaires d'exposition et collectionneurs, tout un écosystème permettant de définir une reconnaissance ou pas à l'artiste.
Cependant, ce marché possède ses critères, son cahier des charges, évolutifs certes, mais inatteignables. En Tunisie, nous peinons à avoir un marché de l'art bien institutionnalisé. Les œuvres les plus cotées, au sein de ce « pseudo »-marché, sont celles qui intéressent les collectionneurs dans une démarche qui s'associe invraisemblablement à l'art décoratif malgré la charge symbolique et l'esthétique inébranlable de tellement d'œuvres.
Nous remarquons, ainsi, un intérêt pour les tableaux bien cadrés, pour les œuvres en céramique ainsi que pour toute œuvre se conformant à une esthétique d'exposition bien particulière.
L'œuvre de Farah Khelil, nommée « Point d'étape », ainsi que la plupart des œuvres de l'exposition se placent dans une position de contestation à ces standards par leurs supports et par leurs formes, et imposent la démarche artistique, ainsi que l'action de créer en soi en tant que sujet principal de cette exposition collective.
Cela contredit, en un sens, la démarche de la galerie qui tente, dans un cheminement bien étudié, d'introduire des artistes émergents à ce vaste marché d'art contemporain et d'en affirmer encore plus ses artistes phares, tels que Ismail Bahri, Malek Gnaoui et Nidhal Chemakh en leur procurant encore plus de liberté dans leurs choix d'œuvres à exposer.
Cette contestation des artistes est-elle donc authentique et inscrit-elle les œuvres dans l'essence de l'art contemporain, un domaine contestataire par excellence qui, dès qu'il les intégrera dans son vaste champ thématique, leur octroiera de la valeur par défaut?
En d'autres termes, est-ce que les artistes de l'exposition se décalent des standards imposés par le marché de l'art pour pousser à la réflexion, à la remise en question, à la transmission réelle de sens de par la technique et le contenant, ou est-ce une démarche qui, au contraire, leur permet d'intégrer le marché de l'art comme des artistes porteurs de valeurs en les plaçant sous la tutelle des standards qu'ils prétendent questionner par leurs créations.
« Untitled » était ainsi une expérience intéressante qui n'a pas manqué de nous surprendre et de provoquer le questionnement. La galerie Selma-Feriani a su réunir différentes démarches et approches dans une même exposition qu'elle ne nommera pas, mais dont la ligne artistique est claire et affirmée ; ce qui rend l'ensemble homogène et cohérent malgré la diversité des œuvres.
Camélia DAOULETTE


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