Le début de la nouvelle année 2013 a été marqué par ce qui est communément appelé, l'affaire du « Sheratongate », suivie par celle du « Milliard », deux « bombes » révélées et lancées par la journaliste et bloggeuse, Olfa Riahi, réputée pour être très proche du parti du Congrès pour la République (CPR), sachant que les deux révélations touchent Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères et son département. Et pour une fois, il y a des révélations étayées par des preuves et des documents authentiques, en l'occurrence des factures et des références tellement précises que la partie incriminée, n'a pu que reconnaître les faits tout en contestant le côté portant sur d'éventuelles malversations. En effet, deux ans durant, on a entendu parler de centaines d'accusations de toutes sortes, allant de la corruption jusqu'au complot contre la sûreté de l'Etat, mais jamais attestées par des preuves. Pourtant des membres du gouvernement, des responsables de partis, des élus à l'Assemblée nationale constituante et d'autres hommes de loi, étaient nombreux à crier, haut et fort, leurs accusations et leurs diffamations, souvent à tort et en toute impunité. Pour revenir à l'affaire du « Sheratongate », le ministre des Affaires étrangères a tout reconnu et a essayé, maladroitement, de justifier le paiement des nuitées audit hôtel aux frais du ministère. Et pour ne pas déroger à la règle, il a accusé des « parties » (atraf), de mener une attaque en règle contre sa personne, son parti et le gouvernement auquel il appartient. Mais ses arguments n'ont convaincu personne, à part, bien entendu, le parti islamiste d'Ennahdha qui lui a exprimé son entière solidarité. Il faut dire qu'on ne peut expliquer ou justifier le fait de passer des nuitées, payées aux frais de la princesse, alors qu'on habite dans le Grand Tunis, qu'on a plusieurs voitures de service et qu'on dispose de plus d'un chauffeur. Autrement dit, il peut rentrer chez lui, même si l'heure est tardive, dans le quart d'heure qui suit la fin de son travail ! Sans entrer dans les détails de cette affaire, désormais connus par tous, il est évident que le deuxième « scandale » révélé par la même Olfa Riahi, est d'un poids autrement plus lourd. Il s'agit d'un million de dollars versé par le ministère chinois du Commerce dans un compte du ministère des Affaires étrangères. Consciente, apparemment, de la gravité de cette seconde bombe, Olfa Riahi a tenu à préciser qu'elle a révélé les résultats de son travail de journalisme d'investigation et que c'est à la justice et aux autres autorités compétentes d'effectuer leur devoir en menant une enquête approfondie pour dire s'il y a eu infraction ou non. Le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Hichem Bayoudh, est intervenu pour indiquer que « ce don a été accordé par la Chine au ministère des Affaires étrangères pour couvrir les frais du Forum arabo-chinois soulignant que les dépenses du ministère sont soumises à des contrôles et des procédures comptables dans le cadre du budget de ce département ». Or, d'après les premiers éléments concernant ce fameux don, il ressort qu'il a été fait par la Chine à titre d'aide pour l'organisation du 5ème Forum sino-arabe. Il s'avère, en effet, que cette manifestation a été organisée conjointement par la Ligue des Etats arabes et la Chine avec la collaboration de la Tunisie. Et comme il est d'usage et logique, c'est à la partie organisatrice que revient la charge des frais. On suppose, donc, que la Ligue arabe et la Chine ont dû s'acquitter, officiellement et publiquement, de leur part de dépenses. Ceci laisse entendre que même si frais il y a pour la Tunisie, ils ne pouvaient être que minimes. Et d'un ! Ensuite, ledit Forum s'est tenu du 29 au 31 mai 2012 à Hammamet alors que le versement de ce million de dollars (l'équivalent de 1,5 million de dinars), a été effectué le 15 juillet 2012, ce qui n'a pas manqué d'être relevé par certains observateurs puisque cette date coïncide avec l'avènement d'un nouveau gouverneur à la tête de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) et après le limogeage de Mustapha Kamel Nabli. D'ailleurs, même Slim Besbès, secrétaire d'Etat aux Finances, tout en indiquant que le ministère des Finances était bel et bien au courant du versement d'un million de dollars que le ministère chinois du Commerce a effectué sur le compte du ministère tunisien des Affaires étrangères, il a tenu à préciser que ledit ministère est en devoir de remettre la somme en question à la Trésorerie générale , car comme il est d'usage, ajoute t-il, tout argent ou don émanant de l'extérieur doit être versé dans les caisses de l'Etat pour procéder par la suite à l'allocation d'une somme précise à un ministère dont le besoin a été prouvé. Des experts assurent qu'une enquête est indispensable pour voir, avec précision, les sommes déjà prélevées sur ce compte et comment elles ont été dépensées ? En attendant l'évolution de cette affaire et en dépit des affirmations d'Olfa Riahi quant à sa limitation au travail d'investigations, les analystes sont persuadés qu'il y a anguille sous roche et que le lancement de ces deux « bombes » n'a rien d'innocent, notamment en cette période de pré-remaniement ministériel. En effet, d'aucuns pencheraient pour l'existence un bras de fer, voire une véritable guerre fratricide entre le CPR et Ennahdha. Quoi de plus significatif et de plus spectaculaire que de frapper le parti islamiste dans l'un de ses symboles, en l'occurrence Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères et, surtout, gendre et chouchou de Rached Ghannouchi ?! D'ailleurs, Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR n'a pas caché le soutien de son parti à la bloggeuse. En effet, concernant les déclarations d'Olfa Riahi faisant référence à son soutien ainsi qu'à celui du CPR, M. Abbou n'a pas nié cette information, soulignant son attachement et son encouragement au journalisme d'investigation qui se base sur des documents fiables et réels car pour lui ceci permet de lutter contre la corruption. Le coup d'Olfa Riahi semble parfait et d'aucuns assurent que, logiquement, M. Abdessalem devrait être partant lors du prochain remaniement du gouvernement. Plus encore, ils estiment qu'il devrait démissionner sans attendre la « sentence ».